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الاثنين، 28 يناير 2013

ابن بطوطة في الصين

Extrait du livre Voyages, III. Inde, Extrême-Orient, Espagne & Soudan de Ibn Battûta (1330-1346) - Traduction de l'arabe de C. Defremery et B.R. Sanguinetti (1858).
Ibn Battûta, né le 24 février 1304 à Tanger et mort en 1369 à Marrakech, est le "Marco Polo" de l'islam, parcourant 120 000 km en 28 ans de voyages qui l'amènent de Tombouctou au sud à Bulghar (en actuelle Russie, sur la Volga) au nord ; de Tanger à l'ouest à Quanzhou en Extrême-Orient. Ses récits, compilés par Ibn Juzayy en un livre appelé Rihla (voyages) sont plus précis que ceux de Marco Polo, mais contiennent plusieurs passages qui relèvent clairement de la pure imagination, notamment ceux décrivant des êtres surnaturels.

EXTRAIT

Nous quittâmes le pays de Thaouâljcy, et après dix-sept jours de trajet, pendant lesquels le vent fut toujours favorable, et notre marche accélérée et heureuse, nous arrivâmes en Chine. C'est une vaste contrée, abondante en toutes sortes de biens, en fruits, céréales, or et argent ; aucun autre pays du monde ne peut rivaliser avec la Chine sous ce rapport. Elle est traversée par le fleuve nommé Abi-haïâh, mots qui signifient l'Eau de la vie. On l'appelle aussi le fleuve Sarou, du même nom que celui qui se trouve dans l'Inde. Sa source est sur des montagnes situées auprès de la ville de Khân-bâlik et connues sous le nom de Coûhi-boûznah, ce qui veut dire la montagne des Singes. Ce fleuve parcourt, au milieu de la Chine, l'espace de six mois de marche, jusqu'à ce qu'il arrive à Sînassîn. Il est entouré par des villages, par des champs cultivés, des vergers, des marchés, à la manière du Nil de l'Égypte ; mais ici le pays est plus florissant, et sur le fleuve il y a un grand nombre de roues hydrauliques. On trouve en Chine beaucoup de sucre égal à celui de l'Égypte, et même meilleur ; on trouve aussi les raisins et les prunes. Je pensais d'abord que la prune nommée 'othmâny, et qui se trouve à Damas, n'avait pas sa pareille ; mais je vis que j'étais dans p313 l'erreur, lorsque je connus la prune de la Chine. Dans ce pays, il y a l'excellente pastèque, qui ressemble à celle de Khârezm et d'Ispahân. En somme, tous les fruits que nous possédons dans nos pays ont leurs pareils en Chine, ou plutôt leurs supérieurs. Dans ce dernier pays, le froment est en très grande abondance, et je n'en ai jamais vu de plus beau, ou de meilleur. On peut dire la même chose des lentilles et des pois chiches.
DE LA POTERIE CHINOISE OU PORCELAINE
On ne fabrique pas en Chine de porcelaine, si ce n'est dans le villes de Zeïtoûn et de Sîncalân. Elle est faite au moyen d'une terre tirée des montagnes qui se trouvent dans ces districts, laquelle terre prend feu comme du charbon, ainsi que nous le dirons plus tard. Les potiers y ajoutent une certaine pierre qui se trouve dans le pays ; ils la font brûler pendant trois jours, puis versent l'eau par-dessus, et le tout devient comme une poussière ou une terre qu'ils font fermenter. Celle dont la fermentation a duré un mois entier, mais pas plus, donne la meilleure porcelaine ; celle qui n'a fermenté que pendant dix jours en donne une de qualité inférieure à la précédente. La porcelaine en Chine vaut le même prix que la poterie chez nous, ou encore moins. On l'exporte dans l'Inde et les autres contrées, jusqu'à ce qu'elle arrive dans la nôtre, le Maghreb. C'est l'espèce la plus belle de toutes les poteries.
DES POULES DE LA CHINE
Les poules et les coqs de la Chine sont très gros, plus volumineux même que l'oie de nos pays. Les oeufs de la poule, chez les Chinois, sont aussi plus forts que ceux de l'oie parmi nous. Or l'oie chez eux est très petite. Nous achetâmes un jour une poule que nous voulions faire cuire ; mais elle ne tint pas dans une seule marmite, et nous fûmes obligés d'en employer deux. En Chine, le coq est aussi grand que l'autruche ; quelquefois ses plumes tombent, et il reste pour lors comme une vraie masse rougeâtre. La première fois de ma vie que j'ai vu un coq chinois, ce fut dans la ville de Caoulem. Je l'avais pris pour une autruche, et j'en fus étonné ; mais son maître me dit : « Certes en Chine, il y a des coqs encore plus gros que celui-ci. » Quand j'y fus arrivé, j'eus la preuve de ce qu'il m'avait avancé à ce sujet,
QUELQUES DÉTAILS SUR LES CHINOIS
Les Chinois sont des infidèles, des adorateurs d'idoles, et ils brûlent leurs morts à la manière des Indiens. Leur roi est un Tartare de la postérité de Tenkîz khân, ou Gengis kan. Dans chacune de leurs villes, il y a un quartier affecté aux musulmans, où ils habitent seuls, où ils ont leurs mosquées pour y faire les prières, tenir les réunions du vendredi, et autres ; ils sont honorés et respectés. Les païens de la Chine mangent les viandes des porcs et des chiens, qu'ils vendent publiquement sur leurs marchés. Ce sont, en général, des gens aisés, opulents ; mais ils ne soignent pas assez leur nourriture ni leur habillement. On peut voir tel de leurs grands négociants, si riche que l'on ne saurait compter ses trésors, marcher vêtu d'une grossière tunique de coton. Les Chinois mettent toute leur sollicitude à posséder des vases d'or et d'argent. Ils portent tous un bâton ferré, sur lequel ils s'appuient en marchant, et qu'ils appellent la troisième jambe.
La soie est très abondante en Chine, car les vers qui la donnent s'attachent aux fruits, s'en nourrissent et ne demandent pas beaucoup de soins. C'est pour cela que la soie est en si grande quantité, et qu'elle sert à habiller les religieux pauvres et les mendiants du pays ; sans les marchands, la soie ne vaudrait absolument rien. Un seul vêtement de coton, chez les Chinois, en vaut plusieurs en soie. L'habitude de ce peuple est que tout négociant fonde en lingots l'or et l'argent qu'il possède, chacun de ces lingots pesant un quintal, plus ou moins, et qu'il les place au-dessus de la porte de sa maison. Celui qui a cinq lingots met à son doigt une bague ; celui qui en a dix y met deux bagues ; celui qui en a quinze est nommé séty, ce qui revient au même que cârémy en Égypte. Un lingot est nommé en Chine barcâlah.
DES DRACHMES DE PAPIER QUI SERVENT, CHEZ LES CHINOIS, POUR VENDRE ET POUR ACHETER
Les habitants de la Chine n'emploient dans leurs transactions commerciales ni pièces d'or ni pièces d'argent. Toutes celles qui arrivent dans ce pays sont fondues en lingots, comme nous venons de le dire. Ils vendent et ils achètent au moyen de morceaux de papier, dont chacun est aussi large que la paume de la main, et porte la marque ou le sceau du sultan. Vingt-cinq de ces billets sont appelés bâlicht ce qui revient au sens du mot dînâr, ou de pièce d'or chez nous. Lorsque quelqu'un se trouve avoir entre les mains de ces billets usés ou déchirés, il les rapporte à un palais dans le genre de l'Hôtel de la monnaie de notre pays, où il en reçoit de nouveaux en leur place, et livre les vieux. Il n'a de frais d'aucune sorte à faire pour cela, car les gens qui sont chargés de confectionner ces billets sont payés par le sultan. La direction dudit palais est confiée à un des principaux émirs de la Chine. Si un individu se rend au marché avec une pièce d'argent, ou bien avec une pièce d'or, dans le dessein d'acheter quelque chose, on ne la lui prend pas, et l'on ne fait aucune attention à lui, jusqu'à ce qu'il l'ait changée contre le bâlicht ou les billets, avec lesquels il pourra acheter ce qu'il désirera.
DE LA TERRE QUE LES CHINOIS BRÛLENT AU LIEU DE CHARBON
Tous les habitants de la Chine et du Khitha emploient comme charbon une terre ayant la consistance ainsi que la couleur de l'argile de notre pays. On la transporte au moyen des éléphants, on la coupe en morceaux de la grosseur ordinaire de ceux du charbon chez nous, et l'on y met le feu. Cette terre brûle à la manière du charbon, et donne même une plus forte chaleur. Quand elle est réduite en cendres, on les pétrit, en y versant de l'eau, on les fait sécher, et l'on s'en sert encore une seconde fois pour cuisiner. On continue d'agir de la sorte jusqu'à ce qu'elles soient entièrement consumées. C'est avec cette terre que les Chinois fabriquent les vases de porcelaine, en y ajoutant une autre pierre, comme nous l'avons déjà raconté.
DU TALENT POUR LES ARTS, PARTICULIER AUX CHINOIS
Le peuple de la Chine est de tous les peuples celui qui a le plus d'habileté et de goût pour les arts. C'est là un fait généralement connu, que beaucoup d'auteurs ont noté dans leurs ouvrages, et sur lequel ils ont fort insisté. Pour ce qui regarde la peinture, aucune nation, soit chrétienne ou autre, ne peut rivaliser avec les Chinois : ils ont pour cet art un talent extraordinaire. Parmi les choses étonnantes que j'ai vues chez eux à ce sujet, je dirai que toutes les fois que je suis entré dans une de leurs villes, et que depuis il m'est arrivé d'y retourner, j'y ai toujours trouvé mon portrait et ceux de mes compagnons peints sur les murs et sur des papiers placés dans les marchés. Une fois, je fis mon entrée dans la ville du sultan (Pékin), je traversai le marché des peintres, et arrivai au palais du souverain avec mes compagnons ; nous étions tous habillés suivant la mode de l'Irak. Au soir, quand je quittai le château, je passai par le même marché ; or je vis mon portrait et les portraits de mes compagnons peints sur des papiers qui étaient attachés aux murs. Chacun de nous se mit à examiner la figure de son camarade, et nous trouvâmes que la ressemblance était parfaite.
On m'a assuré que l'empereur avait donné l'ordre aux peintres de faire notre portrait ; ceux-ci se rendirent au château pendant que nous y étions ; qu'ils se mirent à nous considérer et à nous peindre, sans que nous nous en fussions aperçus. C'est, au reste, une habitude établie chez les Chinois de faire le portrait de quiconque passe dans leur pays. La chose va si loin chez eux à ce propos que, s'il arrive qu'un étranger commette quelque action qui le force à fuir de la Chine, ils expédient son portrait dans les différentes provinces, en sorte qu'on fait des recherches, et en quelque lieu que l'on trouve celui qui ressemble à cette image, on le saisit.
Ibn Djozay ajoute : « Ceci est conforme aux récits des historiens touchant l'aventure de Sâboûr Dhoû'l Actâf, ou Sapor aux épaules, roi des Persans, lorsqu'il entra déguisé dans le pays des Romains, et qu'il assista à un festin que donnait leur roi. Le portrait de Sapor se trouvait sur un vase, ce que voyant un des serviteurs de l'empereur de Constantinople, et s'apercevant que c'était tout juste l'image de Sapor, qui était présent, il dit à son souverain : “Ce portrait m'informe que Cosroës est avec nous, dans ce salon.” Or la chose était ainsi ; et il arriva à Sapor ce que racontent les livres d'histoire. »
DE L'USAGE DES CHINOIS D'ENREGISTRER TOUT CE QUI SE TROUVE SUR LES NAVIRES
Lorsqu'une jonque chinoise veut entreprendre un voyage, il est d'habitude, chez le peuple de la Chine, que l'amiral et ses secrétaires montent à bord, pour noter le nombre des archers qui sont embarqués, celui des domestiques et des marins. Ce n'est qu'après l'accomplissement de cette formalité qu'on leur permet de partir. Quand la jonque retourne en Chine, lesdits personnages montent de nouveau à bord. Ils comparent les personnes présentes avec les chiffres de leurs registres, et s'il manque quelqu'un de ceux qu'ils ont notés, ils en rendent responsable le patron du navire. Il faut que celui-ci fournisse la preuve que l'individu en question est mort, ou bien qu'il s'est enfui, ou encore qu'il lui est arrivé tel autre accident déterminé ; sinon il est pris et puni.
Ils ordonnent ensuite au patron du bâtiment de leur dicter en détail tout ce que la jonque contient en fait de marchandises, qu'elles soient de peu de valeur ou d'un prix considérable. Alors tout le monde débarque, et les gardiens de la douane siègent pour passer l'inspection de ce que l'on a avec soi. S'ils découvrent quelque chose qu'on leur ait caché, la jonque et tout ce qu'elle contient deviennent propriété du fisc. C'est là un genre d'injustice que je n'ai vu pratiquer dans aucun autre pays, soit d'infidèles, soit de musulmans ; je n'ai vu cela qu'en Chine. Cependant, il y avait jadis dans l'Inde quelque chose d'analogue ; car celui dans les mains duquel on trouvait une marchandise qu'il avait soustraite au paiement de l'impôt était condamné à payer onze fois le montant dudit impôt. Le sultan Mohammed a aboli cette tyrannie lorsqu'il a décrété la suppression des droits fiscaux pesant sur les marchandises.
DE L'HABITUDE QU'ONT LES CHINOIS D'EMPÊCHER QUE LES MARCHANDS NE SE LIVRENT AU DÉSORDRE ET AU LIBERTINAGE
Lorsqu'un marchand musulman arrive dans une des villes de la Chine, on lui laisse le choix de descendre chez un négociant de sa religion, désigné parmi ceux domiciliés dans le pays, ou bien d'aller à l'hôtellerie. S'il préfère la demeure chez le négociant, on compte tout le bien qu'il a, on le confie audit négociant choisi par lui, lequel dépense l'argent de l'étranger pour pourvoir aux besoins de celui-ci, mais d'une manière honnête. Quand il veut partir, on examine son argent, et s'il en manque, le négociant chez lequel il demeure et qui a reçu la somme en dépôt est obligé de combler le déficit.
Dans le cas où le marchand qui arrive aime mieux se rendre à l'hôtellerie, on livre son argent au maître de l'auberge, à titre de dépôt. Ce dernier achète pour le compte de l'étranger ce que celui-ci désire, et s'il veut une concubine, il fait pour lui l'acquisition d'une jeune fille esclave. Il le met alors dans un appartement dont la porte s'ouvre sur l'intérieur de l'hôtellerie, et il fait la dépense pour l'homme et pour la femme. Nous dirons à ce propos que les jeunes filles esclaves sont à très bon marché dans la Chine ; qu'en outre tous les Chinois vendent leurs garçons, de même que leurs filles, et que cela n'est point considéré chez eux comme un déshonneur. Seulement, on ne les force pas à voyager avec ceux qui les achètent, et l'on ne les empêche pas non plus, si toutefois ils le veulent bien. Quand le marchand étranger désire se marier en Chine, il le peut aussi très facilement ; mais, pour ce qui est de dépenser son argent dans le libertinage, cela ne lui est nullement permis. Les Chinois disent : « Nous ne voulons point que l'on entende rapporter dans le pays des musulmans qu'ils perdent leurs richesses dans notre contrée, que c'est une terre de débauche et de beauté fragile ou mondaine. »
DU SOIN QU'IL PRENNENT DES VOYAGEURS SUR LES ROUTES
La Chine est la plus sûre ainsi que la meilleure de toutes les régions de la terre pour celui qui voyage. On peut parcourir tout seul l'espace de neuf mois de marche sans avoir rien à craindre, même si l'on est chargé de trésors. C'est que dans chaque station il y a une hôtellerie surveillée par un officier, qui est établi dans la localité avec une troupe de cavaliers et de fantassins.
Tous les soirs, après le coucher du soleil, ou après la nuit close, l'officier entre dans l'auberge, accompagné de son secrétaire ; il écrit le nom de tous les étrangers qui doivent y passer la nuit, en cachette la liste, et puis ferme sur eux la porte de l'hôtellerie. Au matin, il y retourne avec son secrétaire, il appelle tout le monde par son nom, et en écrit une note détaillée. Il expédie avec les voyageurs une personne chargée de les conduire à la station qui vient après, et de lui apporter une lettre de l'officier proposé à cette seconde station, établissant que tous y sont arrivés ; sans cela ladite personne en est responsable. C'est ainsi que l'on en use dans toutes les stations de ce pays, depuis Sîn-Assîn jusqu'à Khân-Bâlik. Dans ces auberges, le voyageur trouve tout ce dont il a besoin en fait de provisions ; il y a surtout des poules et de oies ; quant aux moutons, ils sont rares en Chine.

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