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الاثنين، 10 فبراير 2014

من حكايات الزنّ


Conte Zen : "Le Partage"

Il était une fois, dans le royaume de Tsing Tâo, un jeune homme très curieux des réalités de l’existence.

Un beau matin, il ne se réveilla pas.

Arrivé dans le pays du non-retour, il questionna le premier homme qu’il rencontra, après plusieurs jours de marche.

- Où suis-je, noble passant ?
- En Enfer, pauvre voyageur.

Et l’homme de repartir en répétant : “En Enfer… En Enfer…”

Le jeune homme continua sa marche et arriva dans une grande salle à manger, perdue au milieu du désert. Le couvert était mis. Les bols remplis de riz parfumé et les cruches d’eau fraîche. Soudain une troupe bruyante fit irruption. Les guerriers se disposèrent autour de la table et commencèrent à manger… Mais les baguettes mesuraient plus de deux mètres chacune et les hôtes n’arrivaient pas à se nourrir sans se gêner mutuellement. S’ensuivit une bagarre générale où tous s’étripèrent. Le jeune homme s’enfuit.

Il questionna un autre homme qu’il rencontra, après d’autres jours de marche.

- Mais où suis-je donc, noble passant ?
- Peut-être au Paradis, grand voyageur.

Et l’homme de s’asseoir, en regardant l’horizon.

Le jeune homme continua sa marche et arriva dans une grande salle à manger, perdue au milieu du désert. Le couvert était mis. Les bols remplis de riz parfumé et les cruches d’eau fraîche. Soudain une joyeuse équipe fit son apparition. Le jeune homme regarda les baguettes disposées sur la table… Elles mesuraient toutes plus de deux mètres… Les compagnons prirent place autour de la table et chacun d’eux donna à manger à celui qui était en face de lui grâce à la longueur des baguettes… Tous finirent le repas en chantant.

Puis, le matin où le jeune homme ne s’était pas réveillé, il se réveilla.

Yug Arpac

Conte Zen : "Le Choix"

Tsukinawa, le Shogun de la province de Yamamura, avait trois fils. Tous les trois étaient extraordinaires, et il était extraordinaire qu’ils fussent tous les trois vivants et en bonne santé : ils étaient triplets.

Tsukinawa était inquiet car il avançait en âge et n’avait pas encore pu se décider pour désigner celui de ses trois fils qui lui succéderait comme Shogun. Alors il fit appel à Sunimache le sage, afin qu’il teste les capacités de ses fils pour choisir le plus fort.

Sunimache fit s’éloigner les trois jeunes hommes, et installa une cruche remplie d’eau en équilibre sur le dessus de la porte d’entrée du jardin entrouverte.

Il appela alors Tsukyana, le premier des trois fils.

Lorsqu’il poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, est arrivé ce qui devait arriver : la cruche tomba tout droit sur la tête de Tsukyana.
Icelui, vif comme l’éclair, dégaina son sabre et fracassa la cruche avant qu’icelle ne l’atteigne.

Impressionné par tant de vitesse, Sunimache acquiessa de la tête et demanda à Tsukyana d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison.

Il installa une nouvelle cruche comme la précédente et appela ensuite Tsukyono, le second des trois fils.

Lorsque Tsukyono poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, la cruche tomba tout droit sur lui.
Icelui, vif comme l’éclair, attrapa la cruche dans ses bras avant qu’icelle ne lui fende le crâne.

Impressionné par tant de vitesse et heureux d’économiser une cruche, Sunimache acquiessa de la tête et demanda à Tsukyono d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison avec son frère.

Il ré-installa la cruche sur la porte et appela ensuite Tsukyene, le dernier des trois fils.

Lorsque Tsukyene poussa la porte pour pénétrer dans le jardin, la cruche tomba tout droit sur lui, comme pour ses deux frères.
Icelui s’écarta pour éviter la cruche qui se fracassa par terre en répandant toute l’eau sur le sol pavé.

Sunimache acquiessa de la tête et demanda à Tsukyene d’attendre dans le salon à l’intérieur de la maison avec ses frères.

Tsukinawa le Shogun, très content de l’aide du sage, vint le rejoindre en aplaudissant, enthousiaste, et en s’exclamant que Tsukyana, le premier de ses trois fils, était assurément taillé pour la tâche de Shogun tant sa rapidité et son adresse étaient avérées.

Sunimache ne dit rien.

Tsukinawa, interloqué, réfléchit au désaveu du sage quelques instants, et comprit que Tsukyana avait certes cassé la cruche avant qu’elle ne le blesse, mais aurait tué un ami qui se serait amusé à lui faire une farce…

Tsukinawa demanda alors au sage s’il aurait raison de confier la tâche de Shogun à son deuxième fils Tsukyono, parce qu’icelui avait bien réagi en ouvrant les bras pour attraper la cruche.

Sunimache ne dit rien.

Tsukinawa réfléchit encore au désaveu du sage, et comprit que Tsukyono avait certes attrapé la cruche avant qu’elle ne se casse, mais aurait été tué par un ennemi qui se serait caché pour l’agresser…

Sunimache esquissa un sourire, et dit :

- Oui, tu as finalement bien compris que la meilleure attitude a été choisie par Tsukyene ton troisième fils : n’ayant pas le temps de savoir si ce qui lui tombait dessus était ami ou ennemi, il s’est promptement écarté pour se mettre hors d’un éventuel danger sans pour autant influencer le devenir de ce qu’il ne connaissait pas.

Yug Arpac

Comment prendre du recul

Un moine bouddhiste et un jeune novice traversent un fleuve sur une petite barque. C’est l’hiver, le vent est fort, la surface de l’eau est agitée.

http://www.loptimiste.org/wp-content/uploads/2012/11/Fotolia_45834902_XS-300x249.jpgLe jeune novice est inquiet, sous les rafales du vent, leur embarcation lui semble bien précaire. Une pluie fine se met à tomber, c’est la fin du jour, la visibilité n’est pas bonne, et le jeune homme sent  la peur le gagner.

Le jeune novice et son maître rament en silence, lorsque Lobsang, le jeune novice, aperçoit un petit bateau. Lobsang, lâche alors ses rames, se met debout et levant les bras au ciel, dit à son maître : - Regardez maître, ce bateau vient droit sur nous. Avec le vent qui souffle en travers, il est difficile de manœuvrer, elle va nous éventrer….Hohé du bateau ! Ne voyez-vous pas que vous venez droit sur nous ?

-       Maître, c’est tout de même insensé, ce pêcheur doit bien se rendre compte qu’il va bientôt nous heurter !

-       Mais ce n’est pas possible !!!! Si j’attrape celui qui pilote ce bateau, il va voir de quel bois je me chauffe, il sera plus attentif à l’avenir, je peux vous le promettre !

-       Ça y est, le bateau arrive, nous allons chavirer ! Je vois le pilote, cet inconscient dort du sommeil du juste alors qu’il est un assassin en puissance. Qu’il soit maudit sur 10 générations !

Au moment où le bateau allait rentrer en collision avec la barque…. Le maître, d’une habile manœuvre, parvient à éviter l’accident. Les deux embarcations continuent leur route. En dépassant le bateau, les deux moines constatent qu’il n’y a personne à bord, la forme que Lobsang avait prise pour un homme endormi, n’est qu’un sac en toile de jute rempli de riz.

Le maître se tourne alors vers son novice et lui demande : « Dis-moi Lobsang, contre qui t’es-tu énervé ? »


Eh oui, nous nous trompons souvent dans nos jugements.
Ce qui nous semble être « LA vérité » peut sous un autre éclairage, devenir  partiellement vrai ou même devenir faux !

Nous avons rarement toutes les informations nécessaires pour émettre un jugement.
Quand une personne dit ou fait quelque chose qui nous semblent inapproprié,
connaissons-nous vraiment la situation, qui est réellement cette personne ?
Quel est son passé, son histoire ?, que vit-elle en ce moment ?, quel est son ressenti ?, quelles sont ses motivations ?

Il vaut mieux, comme le maître zen de cette histoire, s’en tenir aux faits.Le bateau vient sur nous, c’est dangereux, il faut trouver une solution.
Se laisser guider par nos peurs, se mettre en colère, s’inquiéter, comme le jeune novice l’a fait,
empêche d’avoir le recul nécessaire pour trouver la bonne solution.

Un jour, le père d’une très riche famille japonaise amène son fils à la campagne pour lui montrer comment les gens pauvres vivent. Ils sont hébergés quelques jours dans la ferme d’une famille d’agriculteurs qui n’a pas beaucoup à leur offrir. Au retour, le père demande à son fil

- ” As-tu aimé ton séjour ?”

- ” C’était fantastique papa !”

- ” As-tu vu comment les gens pauvres vivent ?”

- ” Ah oui” répond le fils.

- ”Alors: Qu’as-tu appris?”

Le fils lui répond:

« J’ai vu que nous n’avions qu’un chien alors qu’ils en ont quatre.

Nous avons une piscine qui fait la moitié du jardin et ils ont une grande crique.

Nous avons des lanternes dans notre jardin et eux, ont des étoiles partout dans le ciel.

Nous avons une immense galerie à l’avant et eux, ont l’horizon.

Nous avons un domaine mais eux, ont des champs à perte de vue.

Nous avons des serviteurs alors qu’eux servent les autres.

Nous achetons nos denrées et eux, les cultivent.

Nous avons des murs autour de la propriété pour nous protéger, eux ont des amis qui les protègent. »

Le père en resta muet.

Le fils rajouta: ” Merci papa de m’avoir montré tout ce que nous n’avons pas”.

 

Une tortue, à pas lent, se promène. Tout d’un coup, un jaguar surgit devant elle :
-   Bonjour, cher déjeuner.
-   Jaguar, jaguar s’il te plaît accorde-moi une faveur avant de me dévorer.
-   Qu’est-ce que tu veux ?
-   Laisse-moi un peu de temps pour me préparer à ma mort.
-   D’accord, dit le jaguar, tu n’es pas bien rapide, tu ne pourras pas t’échapper. Prends le temps qu’il te faut mais fais vite, j’ai faim.
-  
A ces mots, la tortue se rue sur le sol, commence à frapper le sable de sa patte, se tourne dans un sens puis dans l’autre, secoue la terre dans tous les sens. Puis elle se calme, vient se placer devant le jaguar et lui dit :
-   C’est bon, je suis prête
-   Mais qu’est-ce qu’il t’a pris, je ne comprends pas
-   Aujourd’hui, tu me manges et contre ça, je ne peux rien. Mais demain, les hommes vont passer par ici et ils verront les traces du combat acharné d’un jaguar et d’une toute petite tortue. Alors, peut-être, ils auront le courage de venir t’affronter …
-   
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »

Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. »

Un ancien cherokee enseignait à ses petits-enfants  la vie. 

 

Il leur dit: "Un combat se passe en moi. C'est un combat terrible qu'a lieu entre deux loups."

 

Un des loup représente la peur, la colère, l'envie, la tristesse, le regret, l'avidité, l'arrogance, l'apitoiement, la culpabilité, le ressentiment, infériorité, mensonges, faux orgueil, la supériorité et l'ego.

 

L'autre représente la joie, paix, l'amour, l'espoir, le partage, la sérénité, l'humilité, la bonté, la bienveillance, l'amitié, l'empathie, la générosité, la vérité, la compassion et la foi.

 

" Ce même combat se passe à l'intérieur de vous, et dans chaque d'entre nous. "

 

Les enfants réfléchissent  pendant une minute, puis un enfant demande à son grand-père: «Lequel va gagner?"

 

Le vieux Cherokee répondit simplement: «Celui que vous nourrissez."

Le "conte" que l'on va lire pose le problème de la confiance donnée.
L'on pourrait formuler ainsi la question morale qui se pose :

Vaut-il mieux prendre le risque de faire confiance à quelqu'un qui ne la mérite pas que celui de la refuser à celui qui la mérite ?

Un thème connexe, lié à la Confiance, est celui de la
Vigilance, car la confiance sans la Vigilance c'est comme de s'embarquer, en tant que le seul maître à bord, dans un bateau, sans s'assurer qu'il n'a pas de trou dans la coque, en dessous de la ligne de flottaison...
Ainsi, dans l'Intuition, l'être humain voulant agir juste se doit-il, sans cesse, de soupeser, afin de - sans risquer de la lui refuser - donner, dans la
Vigilance, sa confiance uniquement à qui la mérite...



 

 

Tirant une petite charrette, Kwai Chang et Ho-Fong, deux jeunes prêtres d’une quinzaine d’années du temple Shaolin, se dirigeaient vers le village, lorsqu'un vieillard, sur le bord de la route, les interpella :

 

- « Bonjour, jeunes prêtres. Où allez-vous donc ? »

- « Nous allons acheter à manger pour notre temple », répondit Kwai Chang.

- « Ah… je suis bien content que les prêtres aient de l’argent en ces temps difficiles… Mais j’ai entendu dire qu’il y avait des bandits sur la route principale. Il serait bien plus sage d’emprunter la petite route au pied de la colline. »

 

Le vieillard paraissait digne de confiance… Alors Kwai Chang répondit :

 

- « Merci, vénérable monsieur. Nous suivrons votre conseil. »

 

Et c’est ce qu’ils firent…

 

Mais, alors qu’ils avaient quitté la route principale et traversaient un bois, soudain, des voleurs sortirent des fourrés et se jetèrent sur eux.

 

- « Attendez, on vient du monastère. Arrêtez ! », cria Kwai Chang.

 

Cela ne les arrêta pas et ils se firent copieusement rosser, puis piller…

 

* * *

 

De retour au monastère Shaolin, les deux jeunes prêtres racontèrent leur mésaventure à maître Kan.

 

- « Ils ont pris notre argent, notre charrette, nos vêtements. Tout ce qui avait de la valeur », expliqua Kwai Chang.

- « Sauf ce qui est irremplaçable… », répondit maître Kan. « Vos vies. »

Ho-Fong intervint :

- « Nous nous sommes faits avoir, nous avons fait confiance à un étranger. »

Kwai Chang ajouta :

- « C’était un vieil homme avec un doux visage et de bonnes manières… »

- « Apportez-leur des vêtements ! » ordonna maître Kan, puis, se tournant vers Ho-Fong, il lui demanda :

- « Ho-Fong, quelle leçon as-tu tirée de cette mésaventure ? »

- « Ne jamais croire un étranger. »

Puis, se tournant vers Kwai Chang :

- « Kwai Chang, quelle leçon as-tu tirée de cette mésaventure ? »

- « Se préparer à l’imprévu. »

Alors, se retournant vers Ho-Fong, maître Kan lui dit :

- « Ho-Fong, demain matin, quand tu te seras reposé, tu quitteras le temple. »

- « Quand puis-je revenir, maître Kan ? »

- « Chez nous, jamais. »

 

Sans un mot, Ho-Fong s’inclina respectueusement devant maître Kan, puis, après un regard d’adieu à Kwai Chang, quitta la pièce.

 

Maître Kan s’adressa alors à Kwai Chang :

- « Es-tu troublé à propos de ton ami Ho-Fong ? »

- « Je ne comprends pas pourquoi il doit partir et moi pas... », répondit Kwai Chang, « alors que je suis autant responsable d’avoir cru le vieil homme. »

- « Nous ne punissons pas la confiance. Si en construisant une maison un charpentier plante un clou et que celui-ci se tord, le charpentier ne fera-t-il plus confiance aux autres clous et arrêtera-t-il de construire sa maison ? »

- « Nous devons donc donner notre confiance… même si l’existence du mal nous est souvent rappelée ? »

- « Combats le mal par la force. Mais soutiens la bonté de l’homme par la confiance. De cette façon, nous sommes préparés au mal, mais nous encourageons le bien. »

- « Et ce bien, c’est la récompense de notre confiance ? »

- « Lorsqu’on se bat pour un idéal, on ne recherche pas de récompense. Cependant, la confiance apporte parfois une magnifique récompense, plus formidable encore que le bien. »

- « Qu’est-ce que c’est, qui soit ainsi plus grand que le bien ? » demanda, intrigué, Kwai Chang.

 

Alors, maître Kan répondit :

« L’AMOUR. »

 

Et il se retira, laissant Kwai Chang méditer cette Perle de Sagesse

Un enfant martiniquais demande à son père :
- Dis papa, quel est le secret du bonheur ?

Alors le père demande a son fils de le suivre ; ils sortent de la maison, le père sur leur vieil âne et le fils suivant à pied. Et les gens du village de dire :
- Mais quel mauvais père qui oblige ainsi son fils d’aller à pied !
- Tu as entendu mon fils ? Rentrons à la maison, dit le père.

Le lendemain ils sortent de nouveau, le père ayant installé son fils sur l’âne et lui marchant à côté. Les gens du village dirent alors :
- Quel fils indigne, qui ne respecte pas son vieux père et le laisse aller à pied !
- Tu as entendu mon fils ? Rentrons à la maison.

Le jour suivant ils s’installent tous les deux sur l’âne avant de quitter la maison. Les villageois commentèrent en disant :
- Ils ne respectent pas leur bête à la surcharger ainsi !
- Tu as entendu mon fils ? Rentrons à la maison.

Le jour suivant, ils partirent en portant eux-mêmes leurs affaires, l’âne trottinant derrière eux. Cette fois les gens du village y trouvèrent encore à redire :
- Voilà qu’ils portent eux-mêmes leurs bagages maintenant ! C’est le monde à l’envers !
- Tu as entendu mon fils ? Rentrons à la maison.

Arrivés à la maison, le père dit à son fils :
- Tu me demandais l’autre jour le secret du bonheur. Peu importe ce que tu fais, il y aura toujours quelqu’un pour y trouver à redire. Fais ce qui te plaît et tu seras heureux.

Le passé est un bagage que nous transportons parfois avec nous . Non ? Peut être et nous allons le voir dans ce conte.

 

Deux moines, l’un jeune, l’autre vieux, robes safran, crânes rasés, sandales aux pieds nus, rentrent en leur couvent un beau soir d’été.

« Notre journée a été longue et fatigante, frère Ushi, dit le plus jeune, mais nous avons bien honoré Bouddha, et récolté en mendiant notre content de riz et de pièces de cuivre. Le maître nous félicitera certainement ! »

« Oui…, fait distraitement le moine plus âgé, et il ajoute avec bonté : ne soyez pas inquiet, frère Toshibu, le maître apprécie votre zèle. »

Les saints hommes poursuivent leur voyage en silence. Soudain, au détour du chemin, une rivière barre la route. Sur le bas-côté, une jeune femme séduisante aux vêtements coûteux est assise sur une grosse pierre, et semble attendre du secours. Ni barque, ni passeur.

Le moins plus âgé, avec simplicité, prend la femme dans ses bras et lui fait traverser la rivière sans qu’elle se mouille le bout des souliers. La délicieuse créature le remercie d’un sourir et s’en va. Les deux moines continuent leur chemin. Long silence. Brusquement, n’y tenant plus, le jeune moine s’écrie : « Frère Ushi ! Ne savez-vous pas que la règle nous interdit strictement tout contact et tout commerce avec les femmes ! ».

Le vieux moine poursuivit son chemin sans répondre.

« Frère Ushi ! dit le jeune moine, qui s’échauffe, comment avez-vous pu porter dans vos bras une femme belle et parfumée, et lui faire traverser la rivière ? »

« Frère Toshibu, dit le vieux moine. Serait-ce que vous sentez encore le poids de cette femme ? Il y a pourtant longtemps que nous l’avons laissée derrière nous ! »


 

L'amour s'en va.


Le bourgeon qui éclôt, fleurit, s'épanouit, flétrit et devient poussière. Toute forme qui apparaît, disparaît. Tout ce qui naît, meurt, tout ce qui vient s'en va et manifeste ainsi le cela, l'éternel Atma, qui seul demeure.


Un jeune homme pauvre nommé Iruka aimait de toute la folie de son coeur une jeune fille riche, et belle de surcroît. Comme il était lettré, Iruka écrivit à sa bien-aimée une lettre d'amour chaque jour pendant trois longues années, sans faillir une seule fois. La troisième année, il osa lui suggérer de lui faire un signe à l'occasion de la fête du bon. Mais la bien-aimée ne répondit pas, ne le regarda même pas, et ne lui manifesta jamais le moindre intérêt. Alors le coeur d'Iruka se lassa. Il songea à devenir moine, ce qu'il fit en effet. Et le temps passa...
Un matin de printemps, il allait chercher de l'eau au puits situé près de son ermitage, quand Iruka rencontra Chujõ, pour la première et dernière fois de sa vie. Elle se jeta-à ses pieds :
- Iruka ! s'écria-t-elle, j'ai cheminé de longs mois avant de te retrouver, enfin je te vois, admirable Iruka ! Ton amour dont mille lettres témoignent a fini par toucher mon coeur.
En disant ces mots elle dévoila son visage caché jusque-là par un fin voile de soie, et sa beauté était telle qu'elle fit pâlir l'éclat du jour.
- Je suis à toi, Iruka, je t'aime aujourd'hui, comme tu m'aimais autrefois.
Iruka lui répondit :
- Il est trop tard, Chujõ, j'ai rompu tout lien avec cette sorte d"amour. Je suis moine.
Et sans un regard, il la quitta.
Chujõ, de désespoir, se jeta dans la rivière et s'y noya.
En apprenant la nouvelle, Iruka composa ce poème :

Elle ne reste pas sur la branche,
la fleur de cerisier,
elle meurt avant l'été

Cette histoire est maintenant du passé. Tout ce qui naît, meurt. Tout ce qui vient, s'en va, et ne demeure que l'éternel Atma.



Un vieux maître zen aimait cette histoire.
« Ce conte sera un moment important sur votre chemin de sagesse... », et il souriait en disant ces mots, avec malice, aux jeunes novices.
Si vous aviez connu la ville de Nara en ce temps-là ! Nara « la verdoyante, la fleur embaumée », joyau de l'île de Honshu, la capitale religieuse du japon, la Rome bouddhique. Entre ses murs vivaient des centaines de nonnes et de moines. Partout fleurissaient les sanctuaires, chapelles, pagodes à plusieurs étages, temples célèbres. Le plus connu de tous était le merveilleux temple de Todaidji. Lors des grandes fêtes bouddhiques, l'empereur lui-même assistait aux cérémonies. Ce jour-là, toute la ville était en liesse. Une foule immense se répandait dans les ruelles autour du temple, les bateleurs, les montreurs de marionnettes, les mimes, les acrobates rivalisaient d'adresse, amusaient les badauds de leurs tours.

Soudain un bruit courait : « L'empereur, l'empereur ! » Les soldats armés de lourdes piques écartaient la foule, et le cortège s'avançait : l'empereur richement vêtu d'or sur son palanquin, entouré d'une nuée de courtisans, de ministres, de chambellans et de bonzes. Les parfums d'encens embaumaient l'air, et les chants accompagnaient d'une musique céleste la lente progression du cortège impérial vers le grand portique du temple, que surmontait le magnifique Bouddha laqué resplendissant de mille lumières.
« C'étaient de merveilleuses fêtes ! disait le maître zen songeur.
- Le conte, Maître, le conte ! » suppliaient les jeunes novices.
Le maître souriait : « Le lieu et le moment font partie du conte, soyez attentifs, la sagesse ne se livre pas aux impatients. »

Or, en ce temps-là, il arriva qu'un moine tombât éperdument amoureux d'une nonne. Ryonen était belle, d'une beauté radieuse, à la fois éclatante et mystérieuse. Son teint, son port de tête, son allure, tout dans son physique charmant éblouissait mais elle y joignait une intelligence pénétrante, un caractère décidé, et une générosité, une attention aux autres, qui l'éclairaient d'une lumière intérieure. Ryonen aurait pu rendre fou d'amour les plus sages des hommes, et des moines peut-être... Hashino l'aimait d'un amour déraisonnable, exacerbé. Il ne mangeait ni ne dormait, il était distrait pendant les cérémonies rituelles, il était obsédé, il ne voyait qu'elle, ne vivait que pour elle, il courait à sa perte. Une nuit, il franchit le pas, commit le crime suprême, il s'introduisit dans sa cellule de moniale, et la supplia de l'aimer.
Ryonen tint alors le destin de Hashino entre ses mains. Il eût suffi qu'elle crie, qu'elle appelle ses soeurs, et le pire serait advenu. Mais elle ne se débattit point, ne manifesta aucun étonnement. Elle dit seulement au novice, qui brûlait de désir : « Je me donnerai à toi, demain. »
Le jour suivant était jour de grande fête. À l'occasion de l'illumination du bouddha, l'empereur assistait aux offices. C'est là, dans le sanctuaire du temple de Todaidji, qu'elle apparut à Hashino complètement nue :
« Prends-moi, dit-elle, maintenant ! »
Alors Hashino vécut le Satori, l'Éveil. Comme dans ces dessins où la forme et le fond changent en un éclair de place, il vit la réalité jusque-là cachée. Il sut que son amour était artificiel , fantasmatique, ses désirs fous semblables aux reflets changeants de la lune sur l'eau. Le voile de l'illusion s'était déchiré. Il accéda à la racine du moi, à la vérité, à la paix.


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En ce temps-là, Heian Kyo, ce qui signifie « capitale de la paix et de la tranquillité », était un lieu enchanteur, où résidait Sa Majesté l'empereur. Nobles seigneurs vêtus de rouge, tunique cerise, pantalon pourpre, nobles dames en habits étourdissants, aux couleurs sans cesse nouvelles, rivalisaient dans les joutes d'amour et les jeux de l'esprit. Les fêtes somptueuses se succédaient au hasard des palais, des villas, ornés de magnifiques statues. Les musiciens accompagnaient aux bords du lac des Huit Vertus les amants du clair de lune. Les temples étaient construits en bois précieux, parés de nacre, incrustés de pierres précieuses, et les cérémonies rituelles donnaient lieu à des fastes sans égal dans tout l'empire.

L'empereur Saga était un homme âgé, un peu las de ces réjouissances perpétuelles. Un chagrin secret le rongeait. Il n'avait pas de fils. Souvent il s'absentait de la cour, et il se rendait avec quelques serviteurs fidèles et discrets chez un ermite, un moine zen. Celui-ci vivait non loin de la capitale, dans une simple cabane de branchages, près d'une pagode en ruine. Assis sur un tronc d'arbre, Saga observait le moine prier, méditer, couper du bois, et la hache étinceler au rythme de ses coups dans le soleil.
« Je te regarde vivre depuis plusieurs années, Ryoben, tu es actif, énergique, généreux, et sage. Je vieillis, je n'ai pas de fils. Veux-tu me succéder, veux-tu être empereur ? »
À cette demande stupéfiante, le moine ne répondit mot.
« Imagine, Ryoben, les plaisirs, la richesse, le pouvoir absolu, le droit de vie et de mort sur tout ce qui respire dans ce pays. Tu pourrais faire construire ici un palais, ou un temple aux cent pagodes, faire connaître le Zen, étendre son influence. N'es-tu pas tenté ? »
Alors Ryoben posa sa hache, remit de l'ordre dans ses vêtements, et dit :
« Je vais aller au bord de la rivière et laver mes oreilles souillées par vos paroles. »
Il se rendit à la rivière où il rencontra un paysan qui venait souvent y faire boire sa vache.
« Tu te laves les oreilles, à cette heure du jour ?
- Oui, mes oreilles ont été souillées par les paroles de l'empereur. Il m'a proposé de lui succéder, et de monter sur le trône.
- Je comprends que tu te laves ! dit le paysan, et dans ces conditions je ne laisserai pas ma vache boire cette eau souillée. »

Provocation, impertinence, le grand rire libérateur du Zen. Le moine considère d'un oeil égal le prince et le pauvre hère, le lion et le vermisseau. N'enviant rien, ne possédant rien, le Zen est la liberté parfaite.


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Un clair matin, Bouddha se promenait dans les cieux, aux bords du lac de la Fleur de lotus, et il rêvait sous la tiède caresse du soleil. Comme il se penchait sur l'eau du lac, il aperçut dans les profondeurs bouillonnantes de Naraka (l'enfer) un homme qui se débattait furieusement et semblait appeler à l'aide. Aussitôt Bouddha le reconnut. C'était un homme du nom de Kantuka, un voleur, un débauché, un abominable assassin qu'il avait rencontré pendant son passage terrestre. Bouddha est l'infinie compassion. Il se souvint qu'une fois dans sa vie, ce Kantuka avait manifesté un peu de bonté. Une grosse araignée s'était posée sur sa sandale ; au lieu de l'écraser, il l'avait épargnée et passé son chemin.

Je vais lui porter secours, songea Bouddha, pour ce geste de compassion. Qui sait, il reste peut-être une lueur de générosité chez ce malheureux. Il prit alors un fil d'araignée, le fit descendre dans le lac en direction de Kantuka. Le fil se transforma en corde d'argent et le bandit l'agrippa solidement. Il commença à monter. L'ascension était rude. Kantuka y employait toutes ses forces. Il s'acharnait des mains, des genoux, des pieds, suant et soufflant. Bientôt il aperçut un coin de ciel bleu au-dessus de sa tête. Il redoublait d'efforts, quand il jeta un coup d'oeil vers les bas-fonds. Horreur ! Une dizaine de ses anciens compagnons saisissaient la corde d'argent et s'efforçaient de grimper à leur tour.
Cette corde risque de ne pas être assez solide pour nous soutenir tous, se dit Kantuka. Il se souvint alors qu'il avait gardé dans une poche secrète son couteau d'assassin. « Je vais trancher cette corde, songea-t-il, et me débarrasser d'eux. » À peine avait-il formulé sa pensée que la corde d'argent se rompit au-dessus de lui, et il retomba pour toujours dans les Enfers.


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Il était une fois un pauvre pêcheur nommé Hakyu Ryu, qui prenait fort peu de poissons et subsistait à grand-peine. Il vivait seul n'étant pas assez fortuné pour prendre femme, dans une misérable cabane, située près d'une belle forêt de pins, au pied du mont Fuji-Yama, dont le sommet est recouvert de neiges éternelles. Devant sa porte s'étendait une longue plage de sable blanc, et il contemplait jusqu'à l'horizon le bleu éclatant de l'océan Pacifique. Hakyu appréciait ce paysage enchanteur, et il rêvait souvent. Cela l'aidait à vivre.

Un matin de printemps, il traversait la forêt de pins lorsqu'il aperçut accroché à une branche un vêtement magnifique ; il était fait de plumes légères argentées et dorées, l'étoffe semblait tissée de lumière, et Hakyu en fut comme étourdi. Tenté, il hésita, jeta un coup d'oeil alentour. Il était seul. Il prit le vêtement le porta dans sa cabane, et le dissimula sous un tas de bois. Le soir, sur son tatami, avant de glisser au sommeil, il calcula les bénéfices que lui procurerait son larcin. « J'irai demain au marché, je vendrai ce vêtement un bon prix, j'achèterai des filets neufs et solides, peut-être une barque, je ferai ainsi de belles pêches, je deviendrai un homme riche, alors je prendrai femme... » Sur ces visions merveilleuses, il s'endormit.
Pendant la nuit il fit un rêve. Une très belle jeune fille lui apparut : « Je suis un ange, dit-elle, je viens des cieux pour visiter le monde. Mais vous avez pris mon vêtement et je ne puis retourner au ciel sans ma robe. le vous en supplie, rendez-la moi ! »
Hakyu l'interrompit :
« Je ne comprends rien à vos paroles, je ne vous ai pas dérobé votre robe, que je n'ai jamais vue ! Mais puisque vous êtes dans ma maison à cette heure de la nuit venez donc partager ma couche. » Et saisi d"un brusque désir, il l'enlaça et voulut l'embrasser. C'est alors qu'il se réveilla. Ce rêve lui laissa un goût amer dans la bouche, et il eut honte. « Comment ! se dit-il, je vole un vêtement magnifique, je mens à la jeune fille à qui il appartient et je veux la contraindre à partager ma couche.» Il se souvint d'un vieux maître zen dont il avait suivi les enseignements dans sa jeunesse. « Il n'y aura ni paix ni bonheur pour toi si tu ne pratiques la justice, si tu t'écartes de la vérité, si tu n'éprouves pas de compassion. » Hakyu décida alors de rechercher partout la jeune fille, et de n'avoir de repos qu'il ne lui ait restitué son vêtement de lumière.
Le lendemain de très bonne heure, il se rendit sur la plage, scruta l'horizon, en vain. Il s'approcha du bois de pins, et là, sous un arbre, il aperçut la jeune fille de son rêve qui pleurait. Il lui rendit son vêtement. Elle le remercia avec beaucoup de joie et d'effusions. Quand elle revêtit sa robe de lumière, elle se transforma et devint un ange qui s'éleva doucement dans les cieux en dansant avec une grâce inouï. Le théâtre Nô représente souvent cette danse de l'ange. C'est un spectacle extraordinaire, l'un des plus beaux que l'on puisse imaginer. Hakyu le vit le premier, et il tomba en extase. Il rentra dans sa cabane. Les jours suivants, il prit autant de poisson que ses filets pouvaient en contenir. Il se maria, il eut de nombreux enfants, et tous vécurent heureux longtemps, longtemps.

 

histoires japonaises -
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16 contes, 16 songes.
Autant de sources d'inspiration pour tous les rêveurs et créateurs d'univers médiévaux japonais.
Après avoir lu ces contes, vous ne serez plus tout à fait le même. Un premier pas vers la sagesse ... ?

Trois mouches -
Dans une auberge isolée, un samouraï est installé, seul à une table. Malgré trois mouches qui tournent autour de lui, il reste d'un calme surprenant. Trois rônins entrent à leur tour dans l'auberge. Ils remarquent aussitôt avec envie la magnifique paire de sabres que porte l'homme isolé. Sûrs de leur coup, trois contre un, ils s'assoient à une table voisine et mettent tout en œuvre pour provoquer le samouraï. Celui-ci reste imperturbable, comme s'il n'avait même pas remarqué la présence des trois rônins. Loin de se décourager, les rônins se font de plus en plus railleurs. Tout à coup, en trois gestes rapides, le samouraï attrape les trois mouches qui tournaient autour de lui, et ce, avec les baguettes qu'il tenait à la main. Puis calmement, il repose les baguettes, parfaitement indifférent au trouble qu'il venait de provoquer parmi les rônins. En effet, non seulement ceux-ci s'étaient tus, mais pris de panique, ils n'avaient pas tardé à s'enfuir. Ils venaient de comprendre à temps qu'ils s'étaient attaqués à un homme d'une maîtrise redoutable. Plus tard, ils finirent par apprendre, avec effroi, que celui qui les avait si habilement découragés était le fameux Miyamoto Musashi.

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Les portes de l'enfer et du paradis -
Un samouraï se présenta devant le maître Zen Hakuin et lui demanda :
- " Y a t-il réellement un paradis et un enfer ."
- " Qui es tu ?" demanda le maître
- "Je suis le samouraï …"
- "Toi, un guerrier ! s'exclama Hakuin. Mais regarde-toi. Quel seigneur voudrait t'avoir à son service ? Tu as l'air d'un mendiant."
La colère s'empara du samouraï. Il saisit son sabre et le dégaina. Hakuin poursuivit :
- " Ah bon, tu as même un sabre !? Mais tu es sûrement trop maladroit pour me couper la tête."
Hors de lui, le samouraï leva son sabre, prêt à frapper le maître. A ce moment celui-ci dit :
- " Ici s'ouvrent les portes de l'enfer."
Surpris par la tranquille assurance du moine, le samouraï rengaina et s'inclina.
- " Ici s'ouvrent les portes du paradis. ", lui dit alors le maître.

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Le destin plus fort que l'homme-
Un grand général, du nom de Nobunaga, avait pris la décision d'attaquer l'ennemi, bien que ses troupes fussent largement inférieures en nombre. Lui-même était sûr de vaincre, mais ses hommes, eux, n'y croyaient pas beaucoup. En chemin, Nobunaga s'arrêta devant un sanctuaire Shinto et déclara à ses guerriers : " Je vais me recueillir et demander l'aide des kami. Ensuite, je jetterai une pièce. Si c'est face, nous vaincrons mais si c'est pile nous perdrons. Nous sommes entre les mains du destin."
S'étant recueilli quelques instants, Nobunaga sortit du temple et jeta une pièce. Ce fut face. Le moral des troupes se regonfla à bloc. Les guerriers, fermement convaincus d'être victorieux, combattirent avec une si extraordinaire intrépidité qu'ils gagnèrent rapidement la bataille. Après la victoire, l'aide de camp du général lui dit : " Personne ne peut donc changer le cours du Destin. Cette victoire inespérée en est une nouvelle preuve."
- " Qui sait ?" Répondit Nobunaga en lui montrant une pièce … truquée, qui avait deux côtés face !

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A telle âme telle arme -
"Le sabre est l'âme du samouraï ", nous dit l'une des plus vieilles maximes du bushido, la Voie du guerrier. Symbole de virilité, de loyauté et de courage, le sabre est l'arme favorite du samouraï. Mais dans la tradition japonaise le sabre est plus qu'un symbole philosophique : c'est une arme magique. Il peut-être maléfique ou bénéfique selon la personnalité du forgeron et du propriétaire. Le sabre est comme le prolongement de ceux qui le manient, il s'imprègne mystérieusement des vibrations qui émanent de leur être. Selon la vision l'antique religion shinto, la fabrication d'un sabre est une véritable alchimie où l'harmonie intérieure du forgeron est plus importante que ses capacités techniques. Avant de forger une lame, le maître armurier passait plusieurs jours en méditations variées, puis il se purifiait en procédant à des ablutions d'eau froide. Revêtant des vêtements blancs, il se mettait alors au travail, dans les meilleurs conditions intérieures pour donner naissance à une arme de qualité.
Masamune et Murasama étaient d'habiles armuriers forgerons qui vivaient au début du XIV siècle. Tous les deux forgeaient des sabres d'une très grande qualité. Murasama, au caractère violent, était un personnage taciturne et inquiétant. Il avait la sinistre réputation de forger des lames redoutables qui poussaient leurs propriétaires à de sanglants combats ou qui, parfois, blessaient son porteur. Ces armes eurent très vite la réputation d'être assoiffées de sang et furent tenues pour maléfiques. Par contre Masamune était un forgeron d'une très grande sérénité qui se livrait à un rituel de purification systématiquement pour forger ses lames. Elles sont considérées comme les meilleures du pays. Un homme, qui voulait tester la différence de qualité entre les modes de fabrication des deux armuriers, plaça un sabre de Murasama dans un cours d'eau. Chaque feuille dérivant à la surface, qui touchait la lame, fut coupée en deux. Ensuite, un sabre fabriqué par Masamune fut placé dans le cours d'eau. Les feuilles semblaient éviter la lame. Aucune d'elles ne fut coupé, elles glissaient toutes intactes, le long du tranchant comme si celui-ci voulait les épargner. L'homme rendit son verdict : " La Murasama est terrible, la Masamune est humaine!"

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Le ryu (école) du combat sans arme -
Le célèbre maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d'autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n'arrêtait pas de vanter ses exploits et sa maîtrise au sabre. A l'écouter, il était le champion toutes catégories de tout le japon, ce que les voyageurs semblaient croire au vu de leurs regards goguenards où se mêlaient admiration et crainte. Le maître ne s'en préoccupa donc pas, ce qui finit par vexé le samouraï qui voyait bien l'attention de Bokuden se concentrer ailleurs. Il lui dit : " Toi, aussi tu portes une paire de sabre. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas un mot ?" Bokuden répondit : - " Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu". Le samouraï se gratta le crâne de perplexité et demanda :
- " Mais alors quelle est ton école ?"
- " C'est l'école du combat sans arme."
- " Mais dans ce cas, pourquoi portes-tu des armes ?"
- " Cela me demande de rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C'est un sacré défi !"
Exaspéré, le samouraï demanda :
- " Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi, sans sabre ?"
- " Pourquoi pas ? Il est même possible que je gagne !"
Hors de lui, le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bokuden suggéra qu'il serait préférable d'aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d'attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï, impatient d'en découdre, sauta à terre, il dégainait déjà son sabre, prêt au combat. Bokuden enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s'élança pour sauter à terre, quand soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau de la berge pour le pousser dans le courant. Bokuden se retourna alors vers le samouraï qui gesticulait sur une île déserte et il lui cria : - " tu vois, c'est cela, vaincre sans arme !"

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La démonstration -
 Un rônin rendit visite à Matajuro Yagyu, illustre Maître de l'art du sabre, avec la ferme intention de le défier pour vérifier si sa réputation n'était pas surfaite. Le maître tenta d'expliquer au rônin que le motif de sa visite était stupide et qu'il ne voyait aucune raison de relever le défi. Mais le visiteur, qui avait l'air d'être un expert redoutable et avide de célébrité, était décidé d'aller jusqu'au bout. Afin de provoquer le Maître, il n'hésita pas à le traiter de lâche. Matajuro Yagyu n'en perdit pas pour autant son calme mais il fit signe au rônin de le suivre dans son jardin. Il indiqua ensuite du doigt le sommet d'un arbre. Etait-ce une ruse destinée à détourner l'attention ? Le visiteur plaça sa main sur la poignée de son sabre, recula de quelques pas avant de jeter un coup d'œil  dans la direction indiquée. Deux oiseaux se tenaient effectivement sur une branche. Et alors ?
Sans cesser de les regarder, le maître Yagyu respira profondément jusqu'à ce qu'il laisse jaillir un Kiaï, un cri d'une puissance formidable. Foudroyés, les deux oiseaux tombèrent au sol, inanimés.
- " Qu'en pensez-vous ?" Demanda Matajuro Yagyu à son visiteur qui ouvrit de grands yeux.
- " In… incroyable …", balbutia le rônin, visiblement ébranlé comme si le kiaï l'avait lui aussi transpercé.
- " Mais vous n'avez pas vu encore le plus remarquable …"
Le second kiaï du maître retentit alors. Cette fois, les oiseaux battirent des ailes et s'envolèrent. Le ronin aussi.

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Le saki -
Tajima no kami ('no kami' était un titre donné aux maîtres vénérés qui étaient ainsi consacrés comme de véritables dieux vivants) se promenait dans son jardin par un bel après-midi de printemps. Il semblait complètement absorbé dabs la contemplation des cerisiers en fleur. A quelques pas derrière lui, un jeune serviteur le suivait en portant son sabre. Une idée traversa l'esprit du jeune garçon : " Malgré toute l'habileté de mon maître au sabre, il serait aisé de l'attaquer en ce moment par-derrière, tant il paraît charmé par les fleurs de cerisiers." A cet instant précis, Tajima no kami se retourna et chercha autour de lui, comme s'il voulait découvrir quelqu'un qui serait caché. Inquiet, il se mit à fouiller dans tous les recoins du jardin. Ne trouvant personne, il se retira dans sa chambre, très soucieux. Un serviteur finit par lui demander s'il allait bien et s'il désirait quelque chose. Tajima répondit : - " Je suis profondément troublé par un étrange incident que je ne peux m'expliquer. Grâce à ma longue expérience des arts martiaux, je peux ressentir toute pensée agressive émise contre moi (le saki). Quand j'étais dans le jardin, cela m'est justement arrivé. A part mon serviteur, il n'y avait personne, pas même un chien. Ne pouvant justifier ma perception, je suis mécontent de moi." Le jeune garçon, apprenant cela, s'approcha du maître et lui avoua l'idée qu'il avait eue, alors qu'il se tenait derrière lui. Il lui en demanda humblement pardon. Tajima no kami se détendit et satisfait, retourna dans le jardin.

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Le Ki -
Un maître du combat à main nue enseignait son art dans une ville de province. Sa réputation était telle dans la région qu'il défiait toute concurrence : les pratiquants boudant tous les autres professeurs. Un jeune expert voulu en finir de ce monopole, ce règne. L'expert se présenta à l'école, un vieillard lui ouvrit la porte. Sans hésiter le jeune homme annonça son intention. Le vieil homme, visiblement embarrassé, tenta de lui expliquer combien cette idée était suicidaire, étant donné la redoutable efficacité du maître. Pour impressionner ce vieux radoteur qui semblait douter de sa force, l'expert s'empara d'une planche et, d'un coup de genou, il la cassa en deux. Le vieillard demeura imperturbable. Le visiteur insista à nouveau pour combattre avec le maître, menaçant de tout casser. Le vieux bonhomme le pria alors d'attendre et il disparut. Quand il revint peu après, il tenait à la main un énorme morceau de bambou. Il le tendit au jeune en lui disant : "- Le maître a l'habitude de casser avec un coup de poing des bambous de cette taille? Je ne peux prendre au sérieux votre requête si vous n'êtes pas capable d'en faire autant." S'efforçant de faire subit au bambou le même sort que la planche, le jeune présomptueux dut finalement renoncer, épuisé, les membres endoloris. Il déclara qu'aucun homme ne pouvait casser ce bambou à main nue. Le vieillard répliqua que le maître, lui , pouvait. Il conseilla au visiteur d'abandonner son projet tant qu'il ne serait pas capable d'en faire autant. Excédé, l'expert jura de revenir et de réussir l'épreuve. Deux années passèrent pendant lesquelles il s'entraîna intensivement à la casse. Chaque jour il se musclait et durcissait son corps. Ses efforts portèrent leurs fruits car il se présenta à nouveau à la porte de l'école, sûr de lui. Le même petit vieux le reçut. Exigeant qu'on lui apporte l'un des fameux bambous pour le test, le visiteur ne tarda pas à le caler entre deux énormes pierres. Il se concentra quelques secondes, leva la main puis il cassa le bambou en poussant un cri terrible. Un sourire de satisfaction aux lèvres, il se retourna vers le frêle vieillard. Celui-ci fit un peu la moue et déclara : " Décidément, je suis impardonnable, je crois que j'ai oublié de préciser un détail ! le maître casse le bambou … sans le toucher." Le jeune homme, hors de lui, répliqua qu'il ne croyait pas aux exploits de ce maître dont il n'avait même pas pu vérifier la simple existence. Saisissant alors un solide bambou, le vieil homme le suspendit à une ficelle qu'il accrocha au plafond. Après avoir respiré profondément, sans quitter des yeux le bambou, il poussa alors un cri terrifiant qui venait du plus profond de son être, et sa main, tel un sabre, fendit l'air pour s'arrêter à 5 centimètres du bambou … qui éclata. Subjugué par le choc qu'il venait de recevoir, l'expert resta plusieurs minutes sans pouvoir dire un seul mot, pétrifié. Finalement, il demanda humblement  pardon au vieux maître pour son odieux comportement et le pria de l'accepter comme élèves.

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Une claire perception -
Shôjû Rôjin dut, selon ses propres dires, attendre l'âge de cinquante-cinq ans pour parvenir à la continuité dans la "juste perception", la claire vision du clair esprit. Il attachait tellement d'importance à cela qu'il baptisa son ermitage "la cabane de la juste Perception". Rares étaient les moines qui se risquaient à rencontrer ce vieil homme, héritier direct d'une très ancienne lignée, et devenu l'un des plus grands maîtres du japon. Certains guerriers, toutefois, n'hésitaient pas à faire appel à lui pour progresser dans l'éclaircissement de l'esprit. Un jour, quelques samouraï pratiquaient la concentration zen en tirant au sabre devant le maître. Lorsqu'ils s'arrêtèrent pour reprendre haleine, l'un d'eux dit à l'ermite : "Pour ce qui est du principe, votre compréhension se relève bien supérieure à la nôtre, mais s'il s'agit de pratique, ne l'emportons-nous pas sur vous ?". Saisissant sur-le-champ cette opportunité, le vieux maître lança un défi aux samouraï. Le guerrier fanfaronnant tendit au vieil homme un sabre en bois, mais le maître refusa, arguant du faut qu'un moine bouddhiste ne saurait brandir une arme, fût-elle en bois. Non, il ferait usage de son éventail, dont le support métallique suffirait amplement à sa défense. " Essayez donc de m'atteindre" lança le maître, exhortant les samouraï au combat. Les guerriers ne pouvaient refuser un tel défi. Empoignant leurs sabres, ils attaquèrent le vieil homme sous tous les angles. Mais à mesure que celui-ci faisait une démonstration virtuose de l'art de la défense, leur émerveillement grandissait - et diminuait d'autant leur vigueur ! Chaque coup était adroitement paré par l'éventail du maître, qui semblait attirer les sabres comme un aimant. Brisés de fatigue, les guerriers durent admettre que le vieil homme se relevait capable de transformer à volonté sa connaissance abstraite en action concrète. L'un d'eux demanda quel était son secret. "- Il n'y a là aucun mystère, répondit le vieux maître, lorsque votre perception objective est claire, vous faites mouche à tous les
coups."

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Le secret de l'efficacité -
Devenu expert et un professeur renommé de l'art du sabre, Ito Ittosaï était cependant loin d'être satisfait de son niveau. Malgré ses efforts il avait conscience que depuis quelque temps il ne parvenait plus à progresser. Dans son désespoir, il décida de suivre l'exemple du bouddha, les sutras rapportent en effet que celui-ci s'était assis sous un figuier pour méditer avec la résolution de ne plus bouger tant qu'il n'aurait pas reçu la compréhension ultime de l'existence et de l'univers. Déterminé à mourir sur la place plutôt que de renoncer, le bouddha réalisa son vœu : il s'éveilla à la suprême Vérité. Ito Ittosaï se rendit donc dans un temple afin de découvrir le secret de l'Art du Sabre. Il consacra 7 jours et 7 nuits à la médiation. A l'aube du 8ème jour, épuisé et découragé de ne pas en savoir plus, il se résigna à rentrer chez lui, abandonnant tout espoir de percer la fameux secret. Après être sorti du temple, il s'engagea dans une allée boisée. A peine avait-il fait quelques pas que, soudain, il sentit une présence menaçante derrière lui. Sans réfléchir, il se retourna en dégainant son arme. C'est alors qu'il se rendit compte que son geste spontané venait de lui sauver la vie : une bandit gisait à ses pieds, sabre en main.

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Asari -
A l'âge de 27 ans, Yamaoka Tesshu, qui était déjà un expert de sabre réputé, combattit avec Asari Matashichiro, lui aussi sabreur célèbre. Cette rencontre fut brève car Asari désarma rapidement son jeune adversaire. Bouleversé Yamaoka connut une détresse sans borne parce qu'il réalisa combien il manquait de maturité spirituelle. Motivé par cette rencontre, il redoubla d'efforts pour se consacrer entièrement à l'entraînement au Kenjutsu (Art du sabre) et à la méditation (Zazen). Désirant mettre à l'épreuve le niveau qu'il avait atteint après dix ans de cette pratique intensive, il rencontra de nouveau Asari. Au cours de ce second combat, il sentit combien son adversaire le dominait
et, paralysé par la maîtrise qui se dégageait d'Asari, il refusa de poursuivre le combat et reconnut sa défaite. Cette nouvelle rencontre l'impressionna tant qu'il fut désormais hanté par l'image d'Asari, image obsédante qui lui rappelait sans cesse sa médiocrité. Loin de se résigner, il intensifia sa pratique du sabre et de la méditation. Sept années passèrent quand, après une forte expérience spirituelle, il constata soudain que l'image d'Asari avait cessé de le tourmenter. Il décida alors de se mesurer une nouvelle fois avec lui. Asari le fit d'abord combattre avec l'un de ses élèves mais celui-ci s'avoua vaincu dès le début du combat. Yamaoka rencontra alors Asari pour la 3ème fois. Les deux hommes se firent face un long moment, se jaugeant du regard. Soudain, Asari abaissa son sabre et déclara : " Vous y êtes, vous êtes enfin sur la Voie."

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Expérience et maturité-
« Un maître d'escrime vivait avec ses trois fils. Il reçut un jour la visite d'un vieil ami. Les deux hommes ne s'étaient plus vus depuis quelques années et, tout à la joie de leurs retrouvailles, ils échangeaient souvenirs et nouvelles. Et le visiteur de s'enquérir des trois jeunes hommes : " Pratiquent-ils assidûment l'art du sabre ? Le plus jeune me semblait particulièrement doué, non ? "
- Attends, répondit le père, nous allons les mettre à l'épreuve ...
Je crois que l'expérience et la maturité restent déterminantes ...

Les trois fils travaillaient à l'étage, dans leur chambre. Le père se leva et plaça un sabre en équilibre sur le panneau coulissant qui fermait la pièce. Il se rassit et appela impérativement son fils cadet : - " Ioro ! Descends tout de suite !" Des pas précipités dévalèrent l'escalier. Le panneau glissa, libérant le boken qui tomba en frôlant le garçon : déjà, celui-ci avait fait un bond en arrière et se tenait en garde; superbe et calme de détermination. Tandis que notre visiteur le félicitait, impressionné par cette jeune maîtrise, le père le priait de s'asseoir après avoir remis le boken en place et appelé son second fils. Des pas assurés se firent entendre dans l'escalier, le vantail s'ouvrit mais le boken ne heurta pas le sol : le jeune homme l'avait saisi au vol et le tendait respectueusement à son père. Le troisième fils fut alors appelé et notre ami ne voyait vraiment pas quelle performance supérieure on pouvait attendre de lui ! Quelques secondes s'écoulèrent dans le silence et, soudain, l'autre porte s'ouvrit : - " Pardon, père, tu m'as demandé ?' Le maître sourit : ce qui devait être fait avait été fait sans que rien ne soit dérangé.»

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47 ronins-
En 1700, le seigneur Asano Naganori fut nommé pour recevoir une délégation impériale qui devait offrir un cadeau au shogun de a art de Sa Majesté. Le clan Asano était riche, grâce aux salines établies sur son territoire. Toutefois, Asano était trop mal élevé ou trop idéaliste pour comprendre que sa nomination devait être compensée par un généreux cadeau fait au maître de l’étiquette du shogun, le seigneur Kira Yoshinaka.
L’avarice apparente d’Asano mécontenta Kira, qui refusa de lui expliquer le rituel de réception. Le malheureux fit donc bourde sur bourde. Derrière lui, Kira le critiquait sans cesse à haute et intelligible voix. En définitive, Asano tira son épée dans le palais du shogun et attaqua Kira, le blessant au front. Il fut, bien entendu, condamné à se faire seppuku et son clan fut aboli.
Le karo du clan Asano, Oishi Kuranosuke, présenta une pétition au gouvernement, demanda le rétablissement du clan. Cela lui fut refusé. Il expliqua alors aux autres samouraïs qu’il leur était impossible d’attaquer légalement Kira. Leur ennemi était riche et influent. Il risquait d’engager trop d’hommes pour qu’on puisse les vaincre. La plupart des samouraïs comprirent et s en furent. Toutefois, il en resta cent vingt-cinq qui envoyèrent à Oishï un serment de vengeance, signé de leur sang.
Oishi passa l’année suivante dans le quartier des geishas d’Edo. Il était ivre la plupart du temps et semblait avoir tout oublié de son ancien maître, Il divorça et obligea sa femme à prendre tous ses enfants avec elle, sauf son fils aîné, Il retourna leur serment aux samouraïs. Une cinquantaine les lui renvoyèrent.
Enfin, lors du dernier mois de l’année, Oishi convoqua les ronins loyaux. Ils étaient quarante-sept, dont Oishi et son fils. Ils mirent des vêtements neufs, noirs, Ils s’introduisirent dans le palais de Kira, tuèrent tous les samouraïs qui s’y trouvaient et décapitèrent Kira lui-même. Ils apportèrent sa tête à la tombe d’Asano, dans le temple de Sengakuji, comme si c’était un trophée pris sur le champ de bataille. Le conseil du shogunat fut impressionné par la valeur et la loyauté de ces ronins, mais se devait de maintenir la loi et l’ordre. Il leur accorda quand même l’honneur de se faire eux-mêmes seppuku. Leurs corps reposent au cimetière de Sengakuji et reçoivent chaque jour la visite de touristes admiratifs.

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Un bouddha à tuer- 
Un prêtre bouddhiste très croyant reçut la visite d’un samouraï par une froide nuit d’hiver. Il lui raconta que sa vie d’austérité venait enfin d’être récompensée il avait vu le Bouddha, à cheval sur un éléphant blanc, lui apparaître au sommet d’une colline au lever de la lune. Le samouraï monta la garde avec lui cette nuit-là.., et, au lever de la lune, il vit également le Bouddha. Il prit son arc et tira. Il y eut un cri et le Bouddha disparut. Le prêtre était horrifié. Le samouraï lui expliqua qu’il n’était pas particulièrement croyant. S'il avait vu la même chose que le prêtre, ce devait être une illusion. Le lendemain, ils se rendirent à la colline et trouvèrent un gros blaireau transpercé d’une flèche. C’est peut-être cette histoire qui a inspiré le proverbe : “Si vous rencontrez le Bouddha sur une route, tuez-le ! Si vous rencontrez un kami sur une route, tuez-le!
C’est le seul moyen de découvrir leur véritable nature” !

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47 ronins-

La plus poignante de toutes les histoires qui nous sont parvenues est sans doute celle qui vit tomber dans le gouffre de la mort 47 fidèles serviteurs : 14 décembre 1702. Quarante-sept ombres se faufilent à travers les rues sombres d'Edo (1). La neige qui tombe lentement ne semble pas les déranger. Ils ont l'air calme, presque zen, mais dans leur coeur brûle la flamme de la vengeance. Le rassemblement se fait, ils sont prêt à faire ce qu'ils ont prévu depuis 2 ans "Banzaï!!!" Le cri d'assaut déchire le silence...l'attaque vient de commencer. Les quarante-sept rônins(2) venaient d'entrer dans l'histoire. Cette histoire commence au tout début du XVIIIe siècle. Depuis 1603, le Japon est sous la domination politique et militaire des Tokugawa au titre de shôgun(3) . L'empereur, Fils du Ciel, n'a plus qu'un pouvoir religieux symbolique. Le shôgun de l'époque est Tokugawa Tsunayoshi(4) . L'empereur vient d'envoyer à Edo, auprès de lui, trois ambassadeurs afin qu'ils parlent en son nom. Afin de les recevoir comme ils le méritent, étant donné leur rang, on confia les préparatifs à deux grands seigneurs de l'époque. L'un d'eux était Asano Naganori, un très riche seigneur, à qui fut confié la direction de la cérémonie. Il déclina l'offre en arguant son ignorance en matière d'étiquette de la cour. Après plusieurs pressions de la part des autres seigneurs, il accepta à la condition d'être aidé du maître de cérémonie officiel Kira Yoshihisa. La coutume voulait que l'on offre un cadeau à un fonctionnaire lorsqu'on lui demandait un service. On conseilla donc à Asano de ne pas être avare envers le vieux courtisans. Mais Asano avait été élevé dans le principe droit du confucianisme et refusait de donner à un fonctionnaire de l'État plus de cadeaux que son rang n'en méritait. C'était, selon lui, le devoir de Kira de lui donner les informations nécessaires. Malheureusement, Asano ne connaissait pas les usages d'Edo, ni la mentalité corrompue des grands de l'époque. Il ne donna qu'un présent symbolique à kira. Celui-ci le prit très mal et se rendit indisponible pour Asano. Lorsque les ambassadeurs arrivèrent à Edo, Asano réussit à se débrouiller pour ne pas perdre la face. Mais vint le moment où il faudrait qu'il fasse acte de présence devant les ambassadeurs. Il trouva Kira et lui demanda ce qu'il devait faire. Celui-ci lui répondit: - Vous auriez dû vous occuper de cela avant. Maintenant, je n'ai plus le temps. Il murmura en plus, ce qui fut la goutte qui déborda du vase: - Une bonne médecine est toujours amère. Asano n'en revenait pas! Kira venait de l'insulter en public! Fou de rage, il dégaina son wakisashi(5) et donna, semble-t-il, un coup si subtile que Kira ne le sentit même pas et le hakama(6) de ce dernier tomba sur le sol. Kira cria pour qu'on vienne à son aide. Un autre coup de sabre lui fendit la bouche ouverte (7) et des flots de sang vinrent étouffer son appel. On maîtrisa Asano et informa le shôgun de la situation. Tirer la lame dans le palais du shôgun était déjà un acte grave. Répendre le sang l'était encore plus. Asano fut "invité" par le shôgun à se faire seppuku(8) au coucher du soleil. Ses terres furent confisquées et ses vassaux dispersés...ou presque. Des 200 vassaux d'Asano, 47 décidèrent de rester fidèles à leur maître et de le venger de l'affront que lui avait fait Kira, ce qui est leur devoir le plus sacré. Pour cela ils résolurent de se faire oublier pendant 2 années. Années pendant lesquelles ils furent la honte des guerriers, certains se convertirent au lucre d'autres devenant alcooliques, certains mêmes faisant la manche se faisaient rouer de coups par les plus déçus et colériques des samouraï. En fait, ils préparaient leur vengeance sous le couvert de la honte. À leur tête, le doyen des samouraïs d'Asano, Oishi Kuranosuke organisa et orchestra une vengeance soigneusement préparée tout en se cachant sous un masque de fêtard sans honneur. En grand secret, ils se firent fabriquer des armes et des armures spécialement pour l'occasion. Alors que presque tout le monde les avait oublié, ils surgirent devant la maison de Kira à Edo et passèrent à l'attaque en vrais samouraïs: le sabre à la main et la rage au coeur. Les voisins de Kira furent réveillé par l'attaque, mais personne ne s'en mêla: ils savaient ce qui se passait et c'était une affaire d'honneur. Les serviteurs de Kira furent presque tous massacrés: samourais de garde comme domestiques. Les rônins cherchèrent Kira partout dans sa maison avant de le trouver cacher sous une pile de vêtements sales. Ils sommèrent Kira de se faire seppuku comme un homme d'honneur. Devant le refus de ce dernier, Oishi le décapita. Les 46 rônins restant (l'un d'eux était mort durant la bataille) allèrent déposer la tête de Kira sur la tombe d'Asano pour lui rendre hommage Leur maître était vengé. Ensuite, ils se constituèrent prisonniers et se rendirent aux autorités d'Edo. Leur acte fut admiré de tous et le peuple d'Edo les considéra comme des héros. Même le shôgun admira leur courage. Le conseil shôgunal se demanda ce qu'il allait faire d'eux. On ne pouvait les condamner à mort comme des chiens, car ils avaient fait ce qu'on leur avait enseigné depuis l'enfance. On ne pouvait les laisser libre, car cela pourrait entraîner d'autres cas de vengeance. La décision tomba le 1er février 1703. Ils avaient vécu en samouraïs, ils allaient mourrir comme tel dans la dignité et l'honneur. Ils ont reçu l'ordre de se faire seppuku, geste qu'ils étaient tous prêt à faire depuis le début (9) . Leur suicide fut exemplaire. Seul le plus jeune fut épargné (16 ans) et reçu l'ordre d'honnorer et de s'occuper toute sa vie de la tombe de ses frères d'arme. Encore de nos jours, l'histoire des quanrante-sept rônins frappe l'imagination du peuple nippon. Bien que leur acte dénote un profond romantisme, il n'en reste pas moins qu'ils sont les représentants d'un trait culturel et d'un code d'honneur unique. On peut encore admier leur tombe au temple Sengaku-ji à Tokyo. Leur acte a été fait dans la plus pure tradition du bushido: le dévoument le plus total envers son seigneur et maître. L'adage dit: "Tu ne vivras pas sous le même ciel que, ni ne foulera le même sol que l'ennemi de ton père ou de ton seigneur" (Confucius) Cet adâge dans le cas des 47 rônins, fut respecté à la lettre... "Hana wa sakuragi hito wa bushi(10) .


1- Ancien nom de la ville de Tokyo retour
2- Ronins: Samourai sans maître
3- Shôgun: Dirigeant politique et militaire au Japon médiéval et moderne.
4- Tokugawa Tsunayoshi: 5e shôgun de la dynastie des Tokugawa
5- Wakizashi: sabre court
6- Hakama: pantalon ample
7- Une autre version dit qu'il aurait été frappé au front
8- Seppuku: Suicide rituel qui consiste à s'ouvrir le ventre et à se faire trancher la tête
9- NB: Mettre à mort et ordonner le suicide rituel sont deux choses complètement différentes au Japon. Le seppuku est considéré comme la mort la plus glorieuse après la mort sur le champs de bataille.
10- De même que la fleur du cerisier est la fleur par excellence, le guerrier est l'homme par excellence.

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Petite histoire de Miyamoto Musashi-

Voici l'histoire de celui qui fut au Japon féodal le plus grand guerrier que la Terre ait porté. À chacun de ses duels, il en sortait vainqueur. Il aurait survécut à plus de 60 duels ! Son épée était plus rapide que le vent, ses techniques de combats plus meurtrières les unes que les autres, ses stratégies militaires d'une grande ingéniosité. Ce grand guerrier se nommait: Musashi Miyamoto. Shimmen Musashi No Kami Fujiwara No Genshin est né au village de Miyamoto dans la province Mimasaka en 1584. Il est né dans une famille dont les ancêtres font partie d'une des branches du puissant clan Harima de Kyushu. Son grand-père était un loyal serviteur du seigneur du château de Takeyama, Shimmen Iga No Kami Sudeshige. Son père Munisai était un samourai reconnu pour son extrême agilité à se servir du jitte (lance avec lame de katana au bout). Ce dernier abandonna son fils à l'âge de 7 ans, un an après que la mère du bambin soit morte. Ben No Suke, c'est le nom que Musashi portait lorsqu'il était enfant, connut de grandes difficultés avec les membres de sa famille. Avec son tempérament agressif et la colère provenant de son oncle, il commença l'apprentissage du maniment de l'épée très jeune. Il devint rapidement très bon et très rapide. Tellement rapide et bon qu'il tua son premier homme à l'âge de 13 ans. L'opposant en question était un samourai de l'école Shinti Ryu de l'Art Militaire connut sous le nom de Arima Kigei. Ce dernier était reconnu pour ses qualités de combattant avec le sabre et la lance. Aussitôt que l'homme eu dégainer son épée, Musashi l'envoya au sol par projection et le tua d'un coup d'épée à la tête. Son deuxième duel eu lieu lorsque Musashi avait seize ans. Son opposant fut cette fois-ci un samourai nommé Tadashima Akiyama. Ce dernier traversait le village de Musashi en défiant tout le monde en duel. Musashi accepta le duel. Musashi tua le samourai impertinent pendant que ce dernier chargeait d'un seul coup d'épée. Vers l'an 1600, le Japon fut plongé dans une guerre sanglante pour l'unité du pays. Musashi, en bon samourai, jugea qu'il fallait qu'il fasse son devoir et sa part dans cette guerre. Il joignit les rang de l'armée d'Ashikaga allié au Shogun de l'époque Hideyoshi qui était en conflit avec son plus grand rival Tokugawa Ieyasu. La bataille de Sekigahara, la plus célèbre du Japon, dura trois jours et plus de 70 000 samourais moururent. Musashi survécut à cette bataille, mais maintenant que Tokugagwa Ieyasu était Shogun, il serait poursuivit par les serviteurs du vainqueur. Lorsque Musashi retourna à son village, il ne fut accueillit que tièdement. Les anciens du village le considéraient comme incontrôlable et il dut partir. Il se retrouva finalement captif au château de Hejime où il apprit la voie des guerriers en travaillant sur les classiques japonais et chinois; ce qui est une part considérable de l'éducation d'un jeune samourai. Après un long apprentissage, Musashi se fit offrir un poste important auprès d'un daimyo (seigneur d'une région importante). Musashi refusa avec courtoisie, préférant devenir un Guerrier en quête de l'Illumination (musha shugyo). Il partit donc vers Kyoto, qui était la capitale à l'époque. Ce fut dès lors le théâtre de la vendetta de Musashi sur la famille Yoshioka. Les Yoshioka avaient tué son père à la suite de trois duels consécutifs. Il en gagna deux et mourrut au troisième. Musashi défia la famille Yoshioka pour la mémoire de son père. Le premier qui releva le défi fut celui qui était à la tête de la famille Yoshioka Seijiro. Ce dernier était armé d'une vraie épée alors que Musashi était armé d'un boken, un sabre de bois. Le combat ne dura que peu de temps. Seijiro perdit son bras dans le duel et mourrut. Le deuxième duel, eut lieu contre Denshichiro, le frère de Seijiro. Le combat fut bref. Musashi brisa le crâne de Denshichiro le temps d'un battement de cils... Mais sa vendetta ne s'arrêta pas là. Les Yoshioka avaient d'autres atous dans leur manche. Hanshichiro, le jeune fils de Seijiro, lança un défi à Musashi. Ils allaient se retrouver près d'une petite rizière. Musashi arriva bien avant eux et se cacha à un endroit très précis et attendit. Hanshichiro arriva avec une masse importante de samourais armés jusqu'aux dents. Au moment où ses adversaires le croyait trop lâche pour venir les affronter, Musashi bondit de sa cachette et d'un seul coup de katana, il décola la tête d'Hanshichiro. Après avoir combattut brièvement, il réussit à prendre la fuite. Les Yoshioka étaient au nombre de 40 ! Musashi vécut encore longtemps et écrivit vers la fin de sa vie Le Livre des Cinq Anneaux le Go Rin No Sho qui se veut un traité sur les tactiques et les stratégies militaires. Il fut le plus grand des samourais, car il a toujours suivit sa propre voie, son karma sans jamais y déroger en plus d'être un adversaire presque invicible à l'épée. De nos jours, Musashi Miyamoto est une légende au Japon et on lui voue un respect et un intérêt sans cesse renouvellé. Il fut interprêté au cinéma pendant longtemps au Japon par l'excellent acteur Toshiro Mifune dans les films Samurai 1, 2 et 3.

 

Gobuki et le dragon



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Tous les pays, toutes les civilisations relatent chacun à sa façon, la même
histoire de héros et de dragon. C'est le combat mythique du Bien et du Mal, de
la jeunesse et du courage terrassant le monstre abominable, du juste écrasant la
Tarasque. Le Zen à son tour reprend le thème millénaire. Mais il le traite
différemment.

Il était une fois un jeune homme pauvre et bien fait qui était renommé pour sa
bravoure. En ce temps-là vivait dans la montagne une sorte d'ogre, un monstre,
qui interdisait le passage aux voyageurs terrorisés. Les paysans racontaient à
la veillée ses horribles méfaits. Nul ne connaissait son aspect car personne
n'était revenu vivant de la montagne. Gobuki déclara qu'il irait affronter la
bête. On essaya de le dissuader, la jeune fille qui l'aimait pleura, se jeta à
son cou, rien n'ébranla sa détermination, son courage. Les plus avisés des
paysans lui fournirent des armes : un bâton, une fourche. Le seigneur du lieu
ajouta une lance et une épée, un soldat une lourde pique. Ainsi harnaché, Gobuki
partit seul dans la montagne. Il marcha trois jours, enfin, le matin du
quatrième, il se présenta seul devant la caverne ou habitait le monstre.
Celui-ci sortit bientôt, grondant et crachant des flammes. Il était horrible à
voir. Mais Gobuki, fièrement campé, ne recula pas d'un pouce.
Ils demeurèrent ainsi quelques instants à se dévisager. Le temps était comme
suspendu, dans l'attente du drame. Enfin, le monstre s'écria :
« Pourquoi ne t'enfuis-tu pas comme les autres ?
- Je n'ai pas peur de vous ! dit Gobuki.
- Je vais te dévorer ! rugit le monstre.
- Si vous voulez, regardez, je dépose mes armes sur le sol, le bâton, la
fourche, la ...

...lance et une épée, un soldat une lourde pique. Ainsi harnaché, Gobuki
partit seul dans la montagne. Il marcha trois jours, enfin, le matin du
quatrième, il se présenta seul devant la caverne ou habitait le monstre.
Celui-ci sortit bientôt, grondant et crachant des flammes. Il était horrible à
voir. Mais Gobuki, fièrement campé, ne recula pas d'un pouce.
Ils demeurèrent ainsi quelques instants à se dévisager. Le temps était comme
suspendu, dans l'attente du drame. Enfin, le monstre s'écria :
« Pourquoi ne t'enfuis-tu pas comme les autres ?
- Je n'ai pas peur de vous ! dit Gobuki.
- Je vais te dévorer ! rugit le monstre.
- Si vous voulez, regardez, je dépose mes armes sur le sol, le bâton, la
fourche, la lance, l'épée, et la lourde pique de soldat, je sais que vous ne me
toucherez pas.
- Mais enfin, pourquoi est-ce que je ne te terrorise pas ? interrogea le
monstre, stupéfait.
- Je suis l'Atma, je suis la Réalité universelle, je suis cela. Si vous me
dévorez, c'est que vous êtes fou, car vous vous dévorez vous-même. Nous sommes
un. Mais je vous en prie, si vous voulez le faire, je suis à votre disposition.
»
Le monstre abasourdi s'écria :
« Je ne comprends rien à ce que tu dis, mais avec toi tout devient trop
compliqué. Les autres s'enfuient en hurlant de peur, je les poursuis, je les
tue, je les dévore. Tout est simple. Là, je ne sais plus ce que je dois faire.
Tout compte fait je préfère m'abstenir, je crois que mon estomac ne supporterait
pas un être aussi bizarre que toi. Je t'en prie, reprends tes armes et va-t-en !
»
Et il se retira, nauséeux et chagrin, dans sa caverne.

Iriku avait beaucoup aimé son père. Aujourd'hui, le vieillard avait rejoint les
ancêtres. Souvent quand il tressait un panier de bambou, Iriku songeait :
« Si mon épouse n'avait eu tant d'aversion pour mon honorable père, il aurait
été plus heureux dans ses vieux jours. Je n'aurais pas hésité à lui manifester
mon affection, mon respect filial. Nous aurions eu de longues et douces
conversations. Il m'aurait entretenu des gens et des choses du passé... » Et une
mélancolie le prenait.

Un jour de marché, Iriku le vannier écoula son lot de paniers plus rapidement
qu'à l'ordinaire. Il se promenait un peu désoeuvré parmi les éventaires, quand
il remarqua un marchand chinois, qui offrait souvent des objets étranges :
« Approche, Iriku, dit le marchand, j'ai là quelque chose d'extraordinaire. » Et
avec un air de mystère, il retira d'un coffre un objet rond et plat recouvert
d'une étoffe de soie. Il le plaça entre les mains d'Iriku, et avec précaution,
il fit glisser l'étoffe. Iriku se pencha sur une surface polie et brillante. Il
reconnut dedans l'image de son père, tel qu'il avait été au temps de sa
jeunesse. Bouleversé, il s'écria :
« Cet objet est magique !
- Oui, dit le marchand, on appelle cela un miroir, et sa valeur est grande ! »
Mais la fièvre avait saisi Iriku :
« Je t'offre tout ce que je possède, dit-il. Je veux ce "miroir magique" et
emporter chez moi l'image de mon père bien-aimé. »
Après un long palabre, Iriku abandonna au marchand toute sa recette de la
matinée.

Dès qu'il fut rentré chez lui, Iriku alla dans son grenier et cacha l'image de
son père dans un coffre. ...

Après un long palabre, Iriku abandonna au marchand toute sa recette de la
matinée.

Dès qu'il fut rentré chez lui, Iriku alla dans son grenier et cacha l'image de
son père dans un coffre. Les jours suivants, il s'éclipsait, montait au grenier,
retirait le « miroir magique » du coffre ; il demeurait de longs instants à
contempler l'image vénérée et il était heureux. Sa femme ne tarda pas à
remarquer son étrange conduite. Un après-midi, alors qu'il abandonnait un panier
à moitié tressé, elle le suivit. Elle le vit monter au grenier, fouiller dans un
coffre, en extraire un objet inconnu, le regarder longuement en affïchant un air
mystérieux de plaisir. Il recouvrit ensuite l'objet d'une étoffe et le rangea
avec des gestes amoureux. Intriguée, elle attendit son départ, ouvrit à son tour
le coffre, découvrit l'objet, fit glisser l'étoffe de soie, regarda et vit : «
Une femme ! » Furieuse, elle descendit et apostropha son mari :
« Ainsi, tu me trompes en allant contempler une femme dix fois par jour dans le
grenier !
- Mais non ! fit Iriku, je n'ai pas voulu t'en parler parce que tu n'appréciais
guère mon père, mais c'est son image que je vais voir, et cela apaise mon coeur.
- Misérable menteur ! vociféra la femme. J'ai vu ce que j'ai vu ! C'est une
femme que tu as cachée au grenier !
- Je t'assure... »
La dispute s'envenimait, devenait infernale, lorsqu'une nonne mendiante se
présenta à la porte. Le couple réclama son arbitrage. La nonne monta au grenier,
revint :
« C'est une nonne ! » dit-elle.

« Tout le malheur des hommes vient de ce qu'ils ne vivent pas dans le monde,
mais dans leur monde. »
Le silence est un terme polysémique, un mot à plusieurs masques en pelure
d'oignon. Un mot que l'on pèle avec enchantement. Absence de bruit, jeûne de la
parole, renoncement il se révèle chant secret du langage abouti, musique aux
mille harmoniques selon l'imaginaire, les affects, l'intuition. Le silence perce
au-delà le concept l'intellect, il nous emmène au coeur des choses, il nous fait
toucher, pour peu que l'on s'y prête, le coeur de Dieu. Bouddha est parfois
appelé le « maître du silence ». Chez les bouddhistes, dans la branche zen en
particulier, le silence est considéré comme un moyen privilégié d'atteindre la
vérité, la source cachée.

Japon. Première moitié du XIVème siècle, sous le shogûnat des Ashikagaka. Un
temple perdu dans la montagne. Quatre moines zen ont décidé de faire un sesshin
(sorte de retraite) dans un silence absolu. Ils sont installés en zazen. La nuit
est venue. Le froid vif.
« La bougie s'est éteinte ! dit le plus jeune des moines.
- Tu ne dois pas parler ! C'est un sesshin de silence total, fait observer
sévèrement un moine plus âgé.
- Pourquoi parlez-vous, au lieu de vous taire, comme nous en étions convenus
remarque avec humeur le troisième moine.
- Je suis le seul qui n'ait pas parlé » dit avec satisfaction le quatrième
moine.

Cette anecdote prête à sourire. Mais elle éclaire avec justesse l'esprit du Zen.
On y brocarde les moines, on traite avec humour le silence, dont on sait
pourtant qu'il est un élément essentiel de la voie. C'est que le silence n'est
que le silence, c'est dire un moyen. « Si tu rencontres le Bouddha, tue le
Bouddha », dit une maxime célèbre.

Rien ne doit faire ...

 

Les canards mandarins et le samouraï


********

Il y a de cela bien longtemps, sur les bords du lac Mimidoro, que l'on appelle
aujourd'hui Mizoro, au nord-est de Kyõto, un couple de canards mandarins vivait
en paix. Il fallait voir, à la belle saison d'été, le mâle bondir sur l'eau,
prendre son envol, ses moustaches orange, son bec rouge sombre, et ses
magnifiques ailes frisées. Madame et les enfants vêtus d'un modeste gris, même
l'aîné qui portait encore la robe juvénile, ne le quittaient pas des yeux. Le
soir, les canetons rassasiés et endormis, Monsieur, d'un tendre coup de bec sur
la joue blanche et gracieuse, disait bonsoir à son épouse et, dans le trou
d'arbre qui leur servait de maison, toute la famille glissait au pays des rêves.

L'année qui suivit aux premiers jours du printemps, un jeune samouraï vint
installer sa cabane aux bords de l'étang. Sa femme attendait leur premier
enfant. Ils étaient pauvres. Le samouraï avait dû acheter son équipement : les
culottes bouffantes, les cuissardes, les manchettes métalliques et la cuirasse à
quatre pans. Sa femme lui avait confectionné le « bandeau de résolution », sa
mère avait économisé longtemps pour lui offrir les deux épées traditionnelles,
la longue et la courte. Mais il ne possédait pas encore le masque effrayant
destiné à terroriser l'ennemi. Il attendait qu'un noble seigneur le prenne à son
service. Cette nuit-là, sa femme le réveilla et lui dit :
« Mon tendre époux, je sais que nous sommes pauvres, et je ne voudrais pas vous
importuner, mais je sens depuis quelque temps une envie irrésistible de manger
de la viande, et j'ai peur que votre fïls n'en pâtisse. »
Le jeune samouraï ne
dit mot. Il ...

...l'affût de quelque proie. Par hasard, le canard mandarin faisait une promenade
nocturne. À l'éveil du printemps, le nid est encore vide, et il songeait au rude
travail de l'été qui l'attendait quand il faudrait nourrir toute la maisonnée.
Le samouraï aperçut ses ailes frisées qui scintillaient sous la lune. Il tira
une flèche et le tua. Il l'emporta dans un sac et arrivé chez lui, il le fixa
sur une perche devant la cabane. Puis il regagna sa couche et s'endormit.
Un bruit insolite le tira du sommeil. Une sorte de « tap, tap ! », comme un
bruit d'ailes. « Le canard n'est que blessé, songea-t-il, il se débat au bout de
la perche où je l'ai attaché. » Il prit un couteau et sortit. Le canard mandarin
suspendu par les pattes était bien mort. Mais sa femelle était venue, et elle
battait des ailes au-dessus de lui. Le samouraï fit étinceler la lame de son
couteau et le brandit. La cane mandarine ne bougea pas, ne quitta pas la place.
Alors il alluma un feu pour les rôtir tous les deux mâle et femelle. La cane
continuait à battre des ailes, indifférente à son sort, pleurant son époux mort.
Le samouraï fut alors saisi d'un sentiment inconnu. Il alla réveiller sa femme,
lui montra le spectacle de cet amour conjugal et son épouse pleura.
« Je ne mangerai de cette viande pour rien au monde », dit-elle.

Les anciennes chroniques disent que le samouraï coupa son chignon d'homme de
guerre, et se fit moine. Il mena une vie exemplaire, protégeant les animaux, se
souciant du moindre insecte, et son nom depuis est vénéré. Ainsi a-t-il été
rapporté des choses du passé.
Le bambou est une plante tropicale miraculeuse. Une tige légère, résistante,
élastique, propre à tous les usages. Perche pour les acrobates, canne ou bâton
qui sert aux maîtres zen pour rappeler à l'ordre les disciples endormis ou
distraits. Le bambou se plie docile en forme de panier, de claie, de vase et
même de tambour. Avec certaines espèces, on fabrique des meubles, avec d'autres,
au Japon, en Chine, on construit des villages entiers. Une espèce singulière
précoce et charnue est appelée « bambou Môzô ». Elle doit son nom à un certain
Môzô qui vécut en Chine, dans la circonscription de Kiang-Hia de l'ancien
royaume de Wou, au IIIè siècle de notre ère. Voici l'histoire de Môzô, telle que
nous l'ont transmise les siècles passés.

Môzô, orphelin de père, vivait seul avec sa mère à qui il vouait une grande
piété filiale. Employé aux travaux publics, c'était un scribe modèle qui
calligraphiait à merveille, et chacun l'appréciait pour sa modestie et son zèle.
Pendant ses heures de liberté, il courait la campagne afin de ramasser une
espèce de bambou particulière, dont les pousses grosses et tendres constituent
un mets raffïné. Sa mère en raffolait.
Il arriva un jour où sa mère ne put avaler un seul repas sans qu'il n'y eût en
entrée des pousses fraîches de bambou. Môzô courait les champs, les bois,
l'hiver et l'été pour offrir à sa mère ses pousses de bambou préférées.
« Ah ! mon fils, disait-elle, si je ne pouvais manger mes pousses de bambou, moi
qui n'ai plus goût à rien depuis la mort de votre père, je crois que je me
laisserais mourir ! »
Et Môzô courait la campagne, explorait les champs, les prés, ...

...en aurait trouvé. Il en cueillait sous les congères, aux creux des
forêts, partout. Mais un soir, il revint chez lui les mains vides. Sa mère
refusa de manger. Les jours suivants, Môzô rentra bredouille et désespéré :
« Mère, je fais de mon mieux, je cours du nord au sud, d'est en ouest mais tant
que cette neige persistera, je ne pourrai vous offrir les pousses de bambou que
vous chérissez. Je vous en prie, consentez à manger. » Mais la mère de Môzô ne
répondait pas. Elle refusait de s'alimenter, elle ne buvait ni ne mangeait, et
elle commença de dépérir. Le ciel était bleu, froid, implacable, et toute la
campagne durcie sous la neige gelée. Alors, un matin, Môzô désespéré se tourna
vers le ciel :
« Depuis des années, se lamenta-t-il, matin et soir, du nord au sud, d'est en
ouest j'ai cherché partout les pousses de bambou. Pas un seul jour je n'ai
manqué de lui en apporter, afin qu'elle ne meure, et aujourd'hui je ne puis en
trouver. » Il se tordait les mains, accablé, et il fixait le jardin devant la
maison, et la neige froide, indifférente à son chagrin.
À ce moment comme il était à genoux, implorant le ciel, il aperçut au milieu du
tapis blanc trois pousses violettes perçant 1a neige. Trois pousses de bambou !
Il les cueillit et les apporta à sa mère. Celle-ci mangea et but, et fut sauvée.
Depuis lors, ce bambou s'appelle au Japon comme en Chine le « bambou Môzô ». Il
est le symbole de la piété filiale.

Bouddha est dans une pousse de bambou autant que dans l'immensité du ciel :
Leur fraîcheur,
l'oublier on ne saurait,
les bambous de cette année
Ryôkan




... Renki l'éléphant


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Ryoto, jeune moine bouddhiste, se plaint de ne pouvoir tenir sa pensée en repos.
Elle saute sans cesse, comme un cabri...
« Ou comme un éléphant sauvage », dit le vieux maître zen.
Ryoto, voyant pétiller l'oeil de son maître, devine qu'il va lui conter une
histoire, et il s'assied à ses pieds à l'ombre du bananier.

Renki était un éléphant sauvage, que l'on captura à l'âge de trois ans. Une robe
gris clair sans défaut, les défenses longues, minces et pointues, des oreilles
en forme triangulaire parfaite, un beau mâle que son maître, un marchand
d'éléphants dressés, espérait vendre un bon prix au seigneur du royaume. On
attacha Renki à un piquet au bout d'une corde très solide. Le jeune éléphant se
mit à se débattre avec énergie, avec furie, il ruait piétinait sauvagement la
terre sous ses lourdes pattes, barrissait à fendre l'âme. Mais le piquet était
bien enfoncé, et la corde épaisse. Renki ne pouvait se débarrasser ni de l'un ni
de l'autre. Alors il entra en rage désespérée, mordant l'air, levant la trompe,
barrissant lamentablement vers le ciel. Il s'épuisait en efforts et en cris.
Quand brusquement un matin, Renki se calma, il ne tira plus sur la corde, ne
maltraita plus le sol de ses quatre pattes, ne fit plus trembler le voisinage de
ses barrissements. Alors le maître le détacha. Il put aller d'un endroit à
l'autre, portant un baril d'eau, saluant chacun, rendant service à la
communauté. Il fut heureux et libre.
Ta pensée est comme un éléphant sauvage, dit le vieux maître à son disciple.
Elle prend peur, saute en tous sens, et barrit aux quatre vents.
Ton « attention
» est la ...

...barrissait à fendre l'âme. Mais le piquet était
bien enfoncé, et la corde épaisse. Renki ne pouvait se débarrasser ni de l'un ni
de l'autre. Alors il entra en rage désespérée, mordant l'air, levant la trompe,
barrissant lamentablement vers le ciel. Il s'épuisait en efforts et en cris.
Quand brusquement un matin, Renki se calma, il ne tira plus sur la corde, ne
maltraita plus le sol de ses quatre pattes, ne fit plus trembler le voisinage de
ses barrissements. Alors le maître le détacha. Il put aller d'un endroit à
l'autre, portant un baril d'eau, saluant chacun, rendant service à la
communauté. Il fut heureux et libre.
Ta pensée est comme un éléphant sauvage, dit le vieux maître à son disciple.
Elle prend peur, saute en tous sens, et barrit aux quatre vents. Ton « attention
» est la corde, et « l'objet choisi de ta méditation », le piquet enfoncé dans
le sol. Calme ta pensée, apprivoise-la, maîtrise-la, et tu connaîtras le secret
de la vraie liberté.
MEDITATION
Le piquet
La respiration : Inspire, expire, sans changer quoi que ce soit, tu es cette
respiration qui vient et qui va, qui monte, descend, sans répit sans laisse, qui
vient et qui va...
La corde
L'attenton : Tu observes, sans impatience, sans colère, sans jugement, tu suis
d'un regard intérieur, bienveillant et neutre, cette respiration, qui vient et
qui va. Si tu as envie de bouger, de piétiner, de rugir de « barrir », tu
contemples tes pensées, tes émotions qui te secouent t'entraînent et tu ne
t'impliques pas, tu laisses venir, tu laisses partir. Et toutes colères, toutes
impatiences se dissipent comme fumée. Et tu regardes à nouveau le souffle qui
vient, et qui va...

Son Excellence



*********



Son Excellence, monsieur le gouverneur Mushõ Keishu, est en voyage ; il chemine
au pas lent de ses porteurs vers Kamakura, la grande capitale shôgunale.
Confortablement adossé aux coussins de soie, les mains posées sur son petit
ventre rond qui tressaute aimablement au rythme de sa litière, monsieur le
gouverneur somnole un peu et rêve. Sa garde personnelle de nobles samouraïs
l'entoure et le protège. Suivent en bon ordre les serviteurs, les animaux, les
bagages. Monsieur le gouverneur, un sourire béat sur son visage lisse, tout
doucement s'endort.

Dans les collines de Kamakura, en un lieu paisible qui domine à la fois la ville
et la mer, le maître zen Unkei a installé son atelier de statuaire derrière une
modeste pagode. Il sculpte dans le bois des bouddhas au sourire éternel. Il
reçoit aussi des gens de toutes conditions qui sollicitent ses conseils. Unkei
est un homme à l'écorce rude, un silencieux, mais il ne refuse jamais son aide,
et chacun le vénère. Ce matin précisément le jeune moine qui fait offïce de
portier s'approche d'un air affairé, il tient religieusement dans ses mains une
carte de visite merveilleusement ornée et décorée. On peut lire :
SON EXCELLENCE MUSHÕ KEISHU, GOUVERNEUR DE KYÕTO, CONSEILLER PARTICULIER DU
SHÕGUN.
« Je n'ai rien à dire à cet homme », dit sèchement Unkei, qui laisse tomber la
carte et reprend son travail. Le jeune portier, déconcerté et effrayé, revient
annoncer au serviteur de Son Excellence le refus de son maître. Il attend en
tremblant la réaction du haut personnage, qui n'a pas quitté sa litière.
« Moine, Son Excellence t'attend ! »
Le portier, plus mort que vif, se présente humblement devant monsieur le
gouverneur confortablement adossé à ses coussins de soie :
« Ton maître ne ...

...religieusement dans ses mains une
carte de visite merveilleusement ornée et décorée. On peut lire :
SON EXCELLENCE MUSHÕ KEISHU, GOUVERNEUR DE KYÕTO, CONSEILLER PARTICULIER DU
SHÕGUN.
« Je n'ai rien à dire à cet homme », dit sèchement Unkei, qui laisse tomber la
carte et reprend son travail. Le jeune portier, déconcerté et effrayé, revient
annoncer au serviteur de Son Excellence le refus de son maître. Il attend en
tremblant la réaction du haut personnage, qui n'a pas quitté sa litière.
« Moine, Son Excellence t'attend ! »
Le portier, plus mort que vif, se présente humblement devant monsieur le
gouverneur confortablement adossé à ses coussins de soie :
« Ton maître ne veut pas me recevoir ? demande Son Excellence, plus étonné
qu'irrité. T'a-t-il donné une raison ?
- Non, Seigneur.
- Sait-il que je pourrais ordonner la fermeture de son atelier, l'emprisonner
lui et les siens, et faire empaler ses serviteurs ?
- Pitié, Seigneur ! » s'écrie le jeune novice en tombant à genoux.
Son Excellence le gouverneur n'est pas un méchant homme. Il médite un instant
mollement adossé à ses coussins de soie. Autour de lui la garde des samouraïs
s'est raidie, certains ont dejà la main sur leur sabre.
« Hum ! Hum ! fait le gouverneur. Je vais essayer quelque chose. » Il biffe tous
ses titres et ne laisse sur la carte de visite que son nom : Mushõ Keishu.
« Va redonner à ton maître ma carte de visite ! »
Unkei est en train de laquer un Bouddha de bois. Il prend la carte que le
portier lui tend en tremblant.
« Je recevrai cet homme avec plaisir », dit-il.
J'ai jeté cette toute petite chose
que l'on appelle « Moi »
et je suis devenu le monde immense.

 

Une nonne très singulière



***********+



Un vieux maître zen aimait cette histoire.
« Ce conte sera un moment important sur votre chemin de sagesse... », et il
souriait en disant ces mots, avec malice, aux jeunes novices.
Si vous aviez connu la ville de Nara en ce temps-là ! Nara « la verdoyante, la
fleur embaumée », joyau de l'île de Honshu, la capitale religieuse du japon, la
Rome bouddhique. Entre ses murs vivaient des centaines de nonnes et de moines.
Partout fleurissaient les sanctuaires, chapelles, pagodes à plusieurs étages,
temples célèbres. Le plus connu de tous était le merveilleux temple de Todaidji.
Lors des grandes fêtes bouddhiques, l'empereur lui-même assistait aux
cérémonies. Ce jour-là, toute la ville était en liesse. Une foule immense se
répandait dans les ruelles autour du temple, les bateleurs, les montreurs de
marionnettes, les mimes, les acrobates rivalisaient d'adresse, amusaient les
badauds de leurs tours.

Soudain un bruit courait : « L'empereur, l'empereur ! » Les soldats armés de
lourdes piques écartaient la foule, et le cortège s'avançait : l'empereur
richement vêtu d'or sur son palanquin, entouré d'une nuée de courtisans, de
ministres, de chambellans et de bonzes. Les parfums d'encens embaumaient l'air,
et les chants accompagnaient d'une musique céleste la lente progression du
cortège impérial vers le grand portique du temple, que surmontait le magnifique
Bouddha laqué resplendissant de mille lumières.
« C'étaient de merveilleuses fêtes ! disait le maître zen songeur.
- Le conte, Maître, le conte ! » suppliaient les jeunes novices.
Le maître souriait : « Le lieu et le moment font partie du conte, soyez
attentifs, la sagesse ne se livre pas aux impatients. »

Or, en ce temps-là, il arriva qu'un moine tombât éperdument amoureux d'une
nonne.
Ryonen était ...

...était belle, d'une beauté radieuse, à la fois éclatante et
mystérieuse. Son teint, son port de tête, son allure, tout dans son physique
charmant éblouissait mais elle y joignait une intelligence pénétrante, un
caractère décidé, et une générosité, une attention aux autres, qui l'éclairaient
d'une lumière intérieure. Ryonen aurait pu rendre fou d'amour les plus sages des
hommes, et des moines peut-être... Hashino l'aimait d'un amour déraisonnable,
exacerbé. Il ne mangeait ni ne dormait, il était distrait pendant les cérémonies
rituelles, il était obsédé, il ne voyait qu'elle, ne vivait que pour elle, il
courait à sa perte. Une nuit, il franchit le pas, commit le crime suprême, il
s'introduisit dans sa cellule de moniale, et la supplia de l'aimer.
Ryonen tint alors le destin de Hashino entre ses mains. Il eût suffi qu'elle
crie, qu'elle appelle ses soeurs, et le pire serait advenu. Mais elle ne se
débattit point, ne manifesta aucun étonnement. Elle dit seulement au novice, qui
brûlait de désir : « Je me donnerai à toi, demain. »
Le jour suivant était jour de grande fête. À l'occasion de l'illumination du
bouddha, l'empereur assistait aux offices. C'est là, dans le sanctuaire du
temple de Todaidji, qu'elle apparut à Hashino complètement nue :
« Prends-moi, dit-elle, maintenant ! »
Alors Hashino vécut le Satori, l'Éveil. Comme dans ces dessins où la forme et le
fond changent en un éclair de place, il vit la réalité jusque-là cachée. Il sut
que son amour était artificiel , fantasmatique, ses désirs fous semblables aux
reflets changeants de la lune sur l'eau. Le voile de l'illusion s'était déchiré.
Il accéda à la racine du moi, à la vérité, à la paix.

 

Veux-tu être empereur ?


***************




En ce temps-là, Heian Kyo, ce qui signifie « capitale de la paix et de la
tranquillité », était un lieu enchanteur, où résidait Sa Majesté l'empereur.
Nobles seigneurs vêtus de rouge, tunique cerise, pantalon pourpre, nobles dames
en habits étourdissants, aux couleurs sans cesse nouvelles, rivalisaient dans
les joutes d'amour et les jeux de l'esprit. Les fêtes somptueuses se succédaient
au hasard des palais, des villas, ornés de magnifiques statues. Les musiciens
accompagnaient aux bords du lac des Huit Vertus les amants du clair de lune. Les
temples étaient construits en bois précieux, parés de nacre, incrustés de
pierres précieuses, et les cérémonies rituelles donnaient lieu à des fastes sans
égal dans tout l'empire.

L'empereur Saga était un homme âgé, un peu las de ces réjouissances
perpétuelles. Un chagrin secret le rongeait. Il n'avait pas de fils. Souvent il
s'absentait de la cour, et il se rendait avec quelques serviteurs fidèles et
discrets chez un ermite, un moine zen. Celui-ci vivait non loin de la capitale,
dans une simple cabane de branchages, près d'une pagode en ruine. Assis sur un
tronc d'arbre, Saga observait le moine prier, méditer, couper du bois, et la
hache étinceler au rythme de ses coups dans le soleil.
« Je te regarde vivre depuis plusieurs années, Ryoben, tu es actif, énergique,
généreux, et sage. Je vieillis, je n'ai pas de fils. Veux-tu me succéder,
veux-tu être empereur ? »
À cette demande stupéfiante, le moine ne répondit mot.
« Imagine, Ryoben, les plaisirs, la richesse, le pouvoir absolu, le droit de vie
et de mort sur tout ce qui respire dans ce pays. Tu pourrais faire construire
ici un palais, ou un temple aux cent pagodes, faire ...

...quelques serviteurs fidèles et
discrets chez un ermite, un moine zen. Celui-ci vivait non loin de la capitale,
dans une simple cabane de branchages, près d'une pagode en ruine. Assis sur un
tronc d'arbre, Saga observait le moine prier, méditer, couper du bois, et la
hache étinceler au rythme de ses coups dans le soleil.
« Je te regarde vivre depuis plusieurs années, Ryoben, tu es actif, énergique,
généreux, et sage. Je vieillis, je n'ai pas de fils. Veux-tu me succéder,
veux-tu être empereur ? »
À cette demande stupéfiante, le moine ne répondit mot.
« Imagine, Ryoben, les plaisirs, la richesse, le pouvoir absolu, le droit de vie
et de mort sur tout ce qui respire dans ce pays. Tu pourrais faire construire
ici un palais, ou un temple aux cent pagodes, faire connaître le Zen, étendre
son influence. N'es-tu pas tenté ? »
Alors Ryoben posa sa hache, remit de l'ordre dans ses vêtements, et dit :
« Je vais aller au bord de la rivière et laver mes oreilles souillées par vos
paroles. »
Il se rendit à la rivière où il rencontra un paysan qui venait souvent y faire
boire sa vache.
« Tu te laves les oreilles, à cette heure du jour ?
- Oui, mes oreilles ont été souillées par les paroles de l'empereur. Il m'a
proposé de lui succéder, et de monter sur le trône.
- Je comprends que tu te laves ! dit le paysan, et dans ces conditions je ne
laisserai pas ma vache boire cette eau souillée. »

Provocation, impertinence, le grand rire libérateur du Zen. Le moine considère
d'un oeil égal le prince et le pauvre hère, le lion et le vermisseau. N'enviant
rien, ne possédant rien, le Zen est la liberté parfaite.




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