الاثنين، 18 مارس 2013

CHINE - La pensée chinoise



Il n'existe pas de faits isolés aux yeux des Chinois : tout est contexte et partie de contexte ; rien n'est stable et fixé. Tout dure ; mais rien ne dure qui ne change et ne devienne. Triade immémoriale : le ciel, la terre et l'homme. La mentalité chinoise a de l'identité une appréhension différente de l'occidentale.

Le ciel, la terre et l'homme
L'univers est un immense organisme auquel il est insensé de chercher une origine et une cause, une forme et des limites, un sens et une fin. On ne s'inquiète pas de ne pas le comprendre. Que l'homme assiste et participe à l'existence transitoire des « dix mille choses » n'entraîne pas la supposition qu'il faille y comprendre quelque chose. Par là s'explique chez les Chinois l'absence de religiosité, leur prudence et leur modestie devant le spectacle de la nature et le peu de développement des sciences positives jusqu'au XXe siècle. Pourtant, curieux à l'extrême, s'ils ne s'attachent pas à découvrir ce que sont et comment sont les choses, ils s'efforcent d'observer ces choses tandis qu'elles vont, se font et se défont.
Il s'agit de montrer, nullement de démontrer ; de laisser paraître, puis de classer des phénomènes, insignifiants par eux-mêmes, mais qui ressortissent à des cycles, à des alternances et à des rythmes, à des associations, à des correspondances organisées par une double numérologie (dénaire et duodénaire).
Véritable passion classificatrice propre au goût chinois. Rien ne saurait échapper à l'ordonnancement : le ciel, la terre, les hommes et l'empereur, les orients et les saisons, la naissance et la mort ; tout est justiciable de cette physiologie cosmique marquetée non pas d'étiquettes mais d'innombrables flèches.
Une telle manière de voir est commune au taoïsme et au confucianisme, et même à la forme du bouddhisme mahayaniste la mieux assimilée à la Chine : le Chan. Elle est millénaire et traditionnelle.
L'échange est permanent entre le ciel et la terre, à laquelle appartiennent choses animées et inanimées.
Sous tian et sur di, figurée par un carré, ren : l'homme, produit et témoin de l'un et de l'autre, mais qui n'occupe pas pour autant une position particulièrement remarquable. Point de frontières à cet univers, à cet organisme où l'homme est régi, à l'intérieur de son corps, par le même ordonnancement, li, qui convient à l'extérieur ; dans lequel, littéralement, il trempe, et qu'il subit.

Wu et dao
Wu (« ne, ne... pas, sans ») est le mot le plus important de la langue chinoise. Devise impériale : Wuwei, non-agir, ne pas agir, ne pas intervenir, devise nationale. Mais l'identité, partant la contradiction, n'ayant pas pour les Chinois la valeur d'un principe d'exclusion, il y a, entre oui et non, autre chose qu'entre la pure affirmation et la pure négation. Wuwei ne nie pas l'action ; il signifie : « ne trouble pas l'action par l'action », puisque déjà elle se défait tandis qu'elle s'accomplit. Et l'essentiel du sens est porté par wu. Un wu se cache dans ou derrière chaque assertion de la langue chinoise. Chaque être est autre chose, et même autres choses. Autre encore il deviendra. Concours transitoire de possibles actualisés en présent, il ne se dévoile pas sur fond d'être selon une essence ; ni l'être ne se dévoile surgissant du néant. L'important est l'écart innommable et vertigineux qui sépare le probable de l'accompli, plus mince que le fil du rasoir et qui fait le présent plus vaste que toute immensité. Cet entre-rien-et-quelque-chose, à la fois contingence et nécessité, à quoi nulle chose n'échappe, cet innommable demeure l'innominé. Le mot dao, qui ne renvoie à aucun contenu conceptuel, en est l'index. En l'unité suprême de l'univers, taiyi, réside l'hiérophanie du dao.
Celui qui parvient à briser la muraille de l'entendement ou, mieux, à la dissoudre en dissolvant l'entendement lui-même pour se retrouver – dès lors sans objectivité – réunifié en taiyi, par une sorte de coalescence que le langage est impuissant à énoncer, celui-là est le zhen ren, « l'homme véritable », « l'homme qui chevauche le vent ». In vivo, il a connu le dao. L'homme ordinaire, enchaîné par les désirs et les passions, l'homme malheureux, l'homme malade, en sont les contraires.
Il existe des pratiques qui visent à provoquer ce « résultat » (appelé à tort extase), mais ne le promettent pas plus que la prière ne promet la sainteté. Transmises de maître à disciple, elles n'ont pas tout à fait disparu.
Les choses arrivent parce qu'elles arrivent et non parce que des conditions déterminées les rendent inéluctables par raison de causalité, alors l'antinomie du hasard et du déterminisme disparaît pour laisser place à une sur-détermination non causale. Cette vision ne contredit ni l'expérience quotidienne ni l'expérience scientifique. L'une et l'autre peuvent parfaitement s'y adapter.

Les modalités et les correspondances
Le changement est donc le procès foncier de l'univers et de ce qui s'y déroule : c'est la loi du yin et du yang.
Yin et yang sont des indices dont se trouvent affectées les variations du qi. Yang connote une profusion, une dissipation énergétique, croissante ou décroissante, jamais constante.
Yin n'est pas le contraire ou le complément de yang. Il n'est pas le second terme d'une dialectique simplette, car yang implique (au sens étymologique de ce verbe) la concomitance de yin et non son opposition. Il y a entre eux, si l'on peut dire, compénétration. Ils sont inséparables ou impensables séparément. Yin est à yang ce qu'Audiberti désignait par « la noirceur secrète du lait ». Yin est le wu, la part obscure de yang. C'est si vrai que les médecins chinois, qui se considèrent comme des modérateurs des échanges entre l'interne humain et l'externe cosmique suivant yin-yang, disent n'agir et ne pouvoir agir qu'en facilitant la croissance et la décroissance énergétiques signées yang. Yin ni yang ne sauraient être absolus : « Ici yin, ici yang, voilà le dao. » Les premiers signes de l'aurore ou les dernières lueurs du crépuscule donnent assez sensiblement, entre le jour et la nuit, l'exemple de l'indissociabilité yin-yang. De même, et quoique sans nuance apparente, le soleil de midi en plein été ou la profondeur glacée de la nuit hivernale. La Chine applique à tout ces indices qui lui permettent de signifier des évolutions et des involutions relatives les unes aux autres, des cycles et des périodes, et de tenir tout état de fait pour un équilibre instable, rompu et outrepassé sans heurt sitôt atteint ≠ dualité.
Il n'y a de temps que le temps de l'événement. C'est un temps susceptible de se dilater et de se contracter selon yang et yin. Taiji, le faîte suprême, en est le nœud et la référence. D'où les cycles ou, plus exactement, la propagation du présent.
Tout point, toute région de l'espace et du temps, se définit – de même qu'il est défini par rapport à tout autre point ou région – par des polarités. Ces polarités, qui conditionnent la chose et l'événement, sont corrélatives aux cinq orients (les points cardinaux plus la terre qui occupe la position centrale). Dans le triple continuum énergie-espace-temps, se superposent les correspondances, dont les wu xing sont le fondement. Le mot xing, improprement traduit par élément ou principe, signifie en chinois : « chemin, cheminer ». Il entre dans la composition de polysyllabiques qui supportent tous l'idée de conduite, de démarche. Les wu (cinq) xing sont les modalités de yinyang.
Les cinq modalités sont : mu, bois ; huo, feu ; di, terre ; jin, métal ; shui, eau.
Il n'y a dans tout cela pas l'ombre d'une métaphysique religieuse. Ni Dieu personnel, ni création, ni au-delà n'entrent, même à titre d'hypothèses, dans la sagesse chinoise. Pas davantage une âme individuelle de l'homme conçue comme entité inaltérable : pai, hun, yi, shen et zhi ne sont rien d'autre que des fonctions psychosomatiques. Les deux premières, liées au cosmos par l'intermédiaire de la mère (pour pai) et du père (pour hun), sont rectrices, l'une du développement, de la différenciation biologique, l'autre de la continuité psychique. Les trois dernières, plus ou moins assimilables respectivement à l'idéation, à l'entendement et à la volonté, ne sont censées exister que postérieurement à la naissance.
Pas de transcendance, mais une proximité symbiotique de l'homme à la terre et au ciel, qui l'imprègnent et auxquels il se soumet.

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