كتبهابلال عبد الهادي ، في 4 أيلول 2010 الساعة: 13:31 م
Lucien Israël dans son livre "Cerveau droit, cerveau
gauche : cultures et civilisations" fait la distinction entre civilisations
basées sur des critères de cerveau droit et, essentiellement aujourd’hui, la
civilisation occidentale, fondée sur le mariage, très hémisphère gauche, du
génie Grec et de la culture judéo-chrétienne. D’autres civilisations se sont, au
cours de l’Histoire, développées selon les puissants préceptes du cerveau
gauche, des sumériens, aux égyptiens, en passant par les mayas, de la Chine de
Confucius à l’Inde des yogis. Elles ont toutes développé une réflexion
philosophique très riche, construit une littérature originale, codifié le droit,
elles ont pour la plupart été de très grandes civilisations urbaines, impliquant
des savoirs théoriques et pratiques très importants, elles ont su modifier
l’environnement et le maîtriser au profit des hommes, mais elles se sont toutes
éteinte au seuil "de la grande aventure du déchiffrage du monde… au seuil de la
société industrielle et de la technologie moderne, qui ne sera empruntée que
plus tard à l’Occident." Comme le montrent ces civilisations formidables qui
nous ont précédées, et dont les connaissances sont aujourd’hui considérées comme
faisant partie du patrimoine de l’humanité, la voie du cerveau gauche ne mène
pas qu’à la science.
Dans les sociétés traditionnelles, l’emprise des
dieux, des ancêtres, de la magie est encore déterminante alors que la logique,
la raison ou la critique ne sont que secondaires. Ce sont des sociétés qui
vivent au rythme de l’hémisphère droit, où l’hémisphère gauche n’est pas encore
dominant. Ce sont les Indiens d’Amériques, les Aborigènes d’Australie, les
cultures africaines, et d’une façon générale, tous les peuples qui ont gardé un
contact étroit avec la nature. Depuis Levy-Strauss on sait que ces cultures,
souvent appelées primitives, possèdent en fait des langages d’une extrême
complexité et d’une précision inouïe pour tout ce qui concerne les relations
entre les hommes et la nature. Ce sont des langues concrètes, qui n’utilisent ni
prépositions, ni articles, qui ignorent la négation et qui sont éminemment
poétiques, c’est-à-dire dont le sens jailli de la juxtaposition d’images
évocatrices. Ce sont bien là, nous l’avons vu les caractéristiques du langage de
l’hémisphère droit. Aujourd’hui le contact des civilisations traditionnelles
avec la civilisation occidentale , par les critères économiques qu’elle impose
au monde et par la télévision qui véhicule son "image du monde", amène des
peuples entiers à perdre les racines de leurs cultures traditionnelles.
Savoir associer les deux
Lucien Israël montre que si la civilisation de
cerveau gauche, qui est la notre, a su, en un temps très court de l’histoire de
notre évolution, faire faire un bond prodigieux à l’humanité elle a su aussi,
parallèlement, en se dédouanant des impératifs de survie de l’espèce, créer tous
les outils de sa propre destruction, et avec elle de la planète entière.
L’auteur pense que ce n’est pas un hasard si nous découvrons aujourd’hui les
facultés oubliées du cerveau droit, et que notre salut tiens sans doute dans la
création d’une civilisation qui saurait associer de façon optimale les capacités
de nos deux cerveaux.
L’exemple du Japon
A cet égard la culture japonaise offre des
particularités très intéressantes. Le Japon est le seul pays au monde à posséder
un double système d’écriture. Dans une même phrase, le japonais associe, en
effet, un système digital, conventionnel, l’Iragana, et le système analogique
des Kanji chinois. L’Iragana est une écriture syllabique : des phonèmes
assemblés forment des mots qui sont reconnus par convention. Les Kanji sont des
idéogrammes qui ont une signification par analogie avec le dessin qui les
compose, ils représentent, sous une forme très stylisée, des aspects de la
réalité. Le caractère "homme" par exemple figure le dessin schématique d’un
homme debout. En un seul caractère, le Kanji exprime un concept ainsi que ses
nombreux sens dérivés. C’est le contexte qui permettra d’attribuer le sens
précis attribué par l’auteur, sans toutefois retirer l’ensemble des connotations
qu’apportent les sens associés. Ce système laisse une grande place au non-dit,
au vide qui est central dans la culture japonaise et qui, comme dans leur
peinture, crée le sens, crée la vie. Cette particularité, vieille de plusieurs
siècles, signe une culture qui est à cheval sur les deux tendances du cerveau.
Les possibilités rationnelles et logiques de leur cerveau gauche, développées
par la partie conventionnelle et digitale de leur écriture, a permis aux
japonais d’assimiler et de maîtriser en très peu de temps la science, la
technologie et l’économie occidentale, au point d’être aujourd’hui les leaders
mondiaux de tous ces secteurs. Par ailleurs, la culture japonaise avait,
traditionnellement, poussé très loin le développement de capacités dont on sait
aujourd’hui qu’elles relèvent de l’hémisphère droit. Le Japon est, encore
aujourd’hui, extrêmement ritualisé, le sens du sacré pénètre tous les gestes du
quotidien et anime la nature toute entière. Les arts martiaux, le Zen, la
calligraphie, la peinture au lavis, la musique, le théâtre Nô, ou encore
l’Ikébana, l’art de l’arrangement floral sont des manifestations d’une notion
essentielle au Japon : le Ki. Pour les japonais, le Ki est la force qui traverse
tous les êtres vivants, du minéral à l’humain, c’est cette force invisible,
insaisissable, et sans forme qui les anime et les maintient en vie. Si l’on ne
peut maîtriser consciemment cette énergie, un certain nombre de techniques,
comme les arts martiaux ou la méditation permettent de favoriser sa circulation
et son expression dans l’être vivant en éliminant les tensions qui l’empêchent
de s’écouler. Tensions musculaires et tensions cérébrales sont autant de
barrages au Ki qui, comme l’eau quand elle ne peut s’écouler, s’accumule dans le
corps et peut occasionner des dégâts important, tels que maladies, accidents,
coups et chutes etc. A l’inverse lorsque cette force circule librement dans
l’individu, elle est présente et se manifeste dans tous ses actes. Les japonais
pensent que par cette énergie, l’homme est relié, ici et maintenant, à tous les
êtres vivants passés, présents et à venir, dans tout l’univers. La partie pour
le tout, l’analogie, le concret, le positif, la synthèse et le changement de
dimension temporelle, tous les attributs du langage de l’hémisphère droit sont
bien présents dans cette façon de voir le monde au travers de la notion de Ki
dans la culture japonaise. Sauf à imaginer que le Japon renie totalement sa
culture traditionnelle au seul profit des valeurs occidentales, ce qui semble
très improbable, il sera très intéressant pour l’avenir d’observer comment ce
pays réussira ou non à développer une culture qui associe, et non pas qui
oppose, nos deux cerveaux.
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