الأربعاء، 20 مارس 2013

La mentalité moderne, entre Yin et Yang, cerveau droit et cerveau gauche


Les origines de la modernité sont à chercher dans la psyché humaine elle-même. La modernité, en effet, n’est rien d’autre qu’une mentalité : une certaine tournure mentale, si l’on veut. Et le mental, c’est l’une des deux composantes de la psyché humaine, avec la sentimentalité (ou l’émotivité). René Guénon faisait même du mental l’élément distinctif et spécifique de l’être humain : ce qui caractérise et définit l’humanité, c’est le mental ! Le mot dérive en effet du sanscrit manas, lequel a donné le latin mens (et l’anglais mind), mais a aussi donné l’anglais man et l’allemand mensch : l’homme !

La modernité, en tant que tournure mentale particulière, se caractérise et se définit quant à elle par le déséquilibre entre les deux pôles de la psyché humaine : le pôle Yang, mental (masculin), et le pôle Yin, sentimental (féminin).

Le pôle Yang correspond, physiologiquement, à l’hémisphère gauche du cerveau, où se constate la mise en œuvre des facultés mentales : la rationalité, la pensée logique (réflexive ou discursive), la tendance analytique et séparative, l’aptitude au calcul mathématique et à l’abstraction, etc. Le pôle féminin, quant à lui, renvoie à l’hémisphère cérébral droit, siège de facultés davantage marquées par la sentimentalité : l’intuitivité, la pensée analogique, la tendance synthétique et intégrative, l’aptitude créative (artistique, poétique), etc. Il faut noter aussi que l’hémisphère gauche traite les informations de manière séquentielle (élément après élément), tandis que l’hémisphère droit les traite de manière simultanée. (La compréhension opérée par intuition est à la fois globale et fulgurante, tandis que la raison ne permet de compréhension que par rapprochements successifs ; c’est pour ça qu’une connaissance intuitive ne peut pas se démontrer ou s’expliquer rationnellement : globale et instantanée, elle transcende les étapes logiques auxquelles est astreinte la compréhension rationnelle.)

La bipolarité de la psyché humaine a été assez peu documentée. La polarisation des hémisphères cérébraux, notamment, ne semble guère intéresser les neurologues ou les psychiatres, qui ne l’ont étudiée qu’au travers des lésions (et des conséquences psychologiques) causées par un traumatisme affectant l’un ou l’autre hémisphère cérébral. Rien de plus. La bipolarité cérébrale et psychique n’est d’ailleurs officiellement considérée que comme une simple hypothèse, voire carrément comme une hypothèse généralement abandonnée. (On se demande pourquoi… !)

Les « deux cerveaux », entre défiance et déviance

C’est ce qu’expliquent Catherine Vidal et Dorothée Benoît-Browaeys dans Cerveau, sexe et pouvoir (Belin, 2005) : « L’idée que les hémisphères ne sont pas équivalents et que chacun a sa spécialisation est ancienne, mais la « théorie des deux cerveaux » lancée dans les années 70 par trois neurologues de l’Université Harvard, Geschwind, Levitsky et Galaburda, l’a largement popularisée. Selon cette approche, chaque hémisphère cérébral joue un rôle particulier : on parle de « latéralisation » du cerveau. L’hémisphère gauche est considéré comme le spécialiste du langage et de la pensée rationnelle. De son côté, l’hémisphère droit est vu comme le siège de la représentation de l’espace et des émotions. Cette conception s’est d’abord fondée sur des observations anciennes réalisées chez des patients porteurs de lésions cérébrales. Paul Broca, notamment, en 1861, avait repéré dans l’hémisphère gauche une zone systématiquement endommagée chez des sujets ayant perdu la capacité de parler (aphasie). (Cette zone importante pour le langage fut d’ailleurs nommée « aire de Broca »). D’autres corrélations ont suivi, permettant de relier région lésée et perte de fonction. Une lésion survenant dans l’hémisphère droit induit généralement une altération des capacités à percevoir les formes et à s’orienter. De proche en proche, une cartographie du cerveau a pu être établie, avec des aires nécessaires à la vision, l’audition, la motricité, le langage, etc. »

C. Vidal et D. Benoît-Browaeys tombent ensuite dans une prudence qui frise le scepticisme et la pusillanimité. « Malgré des bases expérimentales manifestement peu étayées, expliquent-elles, la théorie des deux cerveaux a séduit beaucoup de monde car elle est simple et cristallise une représentation bipolaire du monde. On ne s’étonnera pas que cette théorie soit devenue le creuset de toutes sortes de spéculations plus ou moins mystiques. Dans les années 70, à l’heure où le mouvement hippie recherchait des méthodes d’épanouissement, de nouveaux gourous ont exploité le filon symbolique des deux cerveaux, présentés comme le yin et le yang. À gauche le langage, la raison, l’esprit d’entreprise et tout ce qui représente les valeurs de l’Occident. À droite, la perception de l’espace, l’affectivité, la contemplation et les valeurs de l’Orient et de l’Asie. Nombre d’ouvrages et de stages « d’initiation » proposaient des méthodes pour « penser équilibré ». Et le filon n’est toujours pas épuisé ! Ces arguments sont toujours utilisés dans une certaine presse grand public. »

Certes, personne n’ignore les abus et les excès dont le mouvement New Age (désigné ici à travers le « mouvement hippie » et ses « gourous ») s’est fait le spécialiste, avec ses récupérations et ses extrapolations de tout acabit — généralement à des fins bassement égotiques et commerciales. Il est toujours utile, à cet égard, de rappeler les exactions commises par de nombreux individus New Age, qui s’autoproclament sans rire « thérapeutes », « chamanes » ou « guides spirituels », dans leurs tentatives de vous fourguer l’« Éveil » ou la « Libération » dans des stages de six jours à 250 € la journée, exploitant ainsi la naïveté ou les besoins existentiels de leurs contemporains déboussolés par cette fin de cycle et la perte de repères qui la caractérise.

Il n’en reste pas moins que la latéralisation cérébrale ouvre d’utiles perspectives. Au surplus, ce n’est pas parce que certains chefaillons New Age se sont emparés de cette théorie pour faire joujou avec et se donner de l’importance grâce à elle, qu’elle est fausse ou erronée par principe. (« Ce n’est pas le vin qui enivre l’homme, c’est lui qui se soûle », dit un proverbe chinois.)

La pertinence de cette théorie se trouve d’ailleurs illustrée en ceci qu’elle a été adoptée, et employée avec succès, par de multiples agences de conseil et de management d’entreprise (secteur florissant s’il en est). C’est d’ailleurs là un amusant « signe des temps » : qu’une théorie se soit faite approprier à la fois par le New Age (alternatifs et baba-cool de tous poils) et par la pointe avancée du libéralisme économique ! Voici seulement, à titre d’exemple, comment l’une de ces agences, Peerformind, présente la situation : « Par un développement extrême de son intelligence « cerveau gauche », dite rationnelle, l’Occident a emmené l’homme certes à maitriser comme jamais techniques et sciences, mais également à le couper de ses racines, de son corps et de la nature. C’est toute une harmonie et les performances qui en découlent qui s’en trouvent ainsi bridées. Dans l’Orient traditionnel, l’homme trouve et suit sa voie par l’écoute de son hémisphère cérébral droit, dit intuitif et global, et par la sagesse dictée par son corps. » C’est là, me semble-t-il, un bon résumé de ce que peut impliquer cette théorie. Je serais curieux de savoir ce qu’en pensent mesdames Vidal et Benoît-Browaeys !

Quoi qu’il en soit, d’autres auteurs se sont penchés sur cette question, de manière moins timorée, en tirant des implications fort stimulantes. En voici quelques exemples.

À tout seigneur, tout honneur — et tant qu’à faire, honneur aux dames ! En effet, puisqu’il s’agit, en rééquilibrant la psyché humaine, de rétablir le pôle Yin (hémisphère droit, féminin) dans ses droits, commençons par Annick de Souzenelle, grande artisane et promotrice de ce « retour du féminin » qui caractérise la postmodernité.

Culture et civilisation : la mélodie et le rythme

Dans Le Féminin de l’être (Albin Michel, 1997), A. de Souzenelle consacre un chapitre à « Cerveau droit et cerveau gauche. La droite féminine ». Elle cite notamment le Pr Lucien Israël, auteur de Cerveau droit, cerveau gauche. Cultures et civilisations (Plon, 1995). Selon lui, « Il y a bien une asymétrie de fonction entre les hémisphères cérébraux. Le côté gauche tient sous sa dépendance le langage, l’analyse, la mémoire verbale, les aspects numériques du calcul, la dissection logique des problèmes. Le côté droit perçoit et comprend les émotions, les relations visuelles, spatiales, il traite les informations de façon globale, synthétique et a une connaissance plus intuitive qu’analytique ; il est aussi sensible plus que le gauche à la musique ». À propos de musique, Lucien Israël précise aussi que « le rythme et la mesure sont perçus par le cerveau gauche, la mélodie, le timbre, le ton, par le cerveau droit ».

Enfin, dans un pertinent prolongement, L. Israël propose de considérer que « la culture se loge plutôt dans le cerveau droit, celui de la perception globale intuitive, de l’imaginaire, des comportements émotifs sans contenu nécessairement verbalisable, tandis que la civilisation, cette entreprise de conquête du monde extérieur et en partie aussi de nous-mêmes, relèverait davantage de la puissance d’analyse, de la rigueur, de la méthode, de l’hémisphère gauche. Cerveau droit : unité avec le monde et son mystère. Cerveau gauche : prise de possession du monde visible en même temps que découverte des lois qui le régissent ». Voilà bien résumée, de ce point de vue, la façon dont la modernité s’est manifestée : par la prédominance du cerveau gauche (Yang et masculin) au détriment du cerveau droit (Yin et féminin), à travers le phénomène de la civilisation (rationalité, contrôle, conquête et possessivité) par opposition à la culture (qui exprime une approche intuitive, intégrative, synthétique et holiste du monde et de la vie).

La modernité commence avec l’Histoire

La mentalité moderne, caractérisée par ce déséquilibre (prédominance du Yang sur le Yin), se manifesterait donc dès l’apparition de la civilisation — ou de la société, par opposition à la communauté —, dans les plaines de l’ancienne Mésopotamie, là où Sumer et Babylone ont émergé, soit bien avant l’Antiquité classique. C’est donc aux origines mêmes de la civilisation et de la société humaines qu’il faut faire remonter la modernité : la mentalité moderne se déploie dès l’époque — aussi reculée que l’Histoire elle-même (puisque c’est aussi le moment de l’apparition de l’écriture) — où la société remplace les communautés, où la sédentarité remplace le nomadisme, où l’agriculture (et la métallurgie) remplace le pastoralisme (et où l’écriture remplace l’oralité). On pourrait peut-être même remonter plus loin encore, soit aux origines mêmes de l’humanité sur Terre, si l’on considère, avec René Guénon, que « La distinction des peuples nomades (pasteurs) et sédentaires (agriculteurs) […] remonte aux origines mêmes de l’humanité terrestre » (c’est-à-dire au moment de « la Chute » et de la perte de l’état édénique du Paradis originel). Mais c’est là un autre sujet.

Masculin hypertrophié, féminin atrophié

Fritjof Capra, dans Le Tao de la physique (Sand, 1985, édition originale : 1974), a écrit ceci : « Une des principales bipolarités dans la vie est celle qui existe entre les aspects masculin et féminin de la nature humaine. Comme dans l’opposition du bien et du mal, ou de la vie et de la mort, nous avons tendance à nous sentir mal à l’aise vis-à-vis de la bipolarité masculin/féminin en nous-mêmes, et par conséquent faisons ressortir l’un ou l’autre aspect. La société occidentale favorise traditionnellement le côté masculin plutôt que le féminin. Au lieu de reconnaître que la personnalité de chaque homme et de chaque femme est le résultat d’une synergie des éléments féminins et masculins, elle a instauré un ordre statique », au sein duquel « elle a donné aux hommes les premiers rôles et la plupart des privilèges sociaux ». Et il ajoutait : « Cette attitude a mené à une valorisation excessive de tous les aspects yang — ou masculins — de la nature humaine : activité, pensée rationnelle, compétition, agressivité, etc. Les modes de conscience yin — ou féminins — qui peuvent être décrits par des mots tels qu’intuitif, religieux, mystique, occulte ou psychique ont constamment été réprimés dans notre société à orientation masculine. » Réprimés, et même démonisés : en effet, comme l’a noté Lucien Israël, « ce qui est passé en dehors du centre du langage et qui n’est pas verbalisé, analysé, expliqué, est fou ». L’émotivité, l’intuitivité, la créativité, en tant qu’elles échappent à l’analyse et au traitement rationnel, et qu’elles court-circuitent la froide rationalité du cerveau gauche, sont dès lors jugées folles, absurdes et dangereuses par ce dernier. (Aspect majeur de la répression du féminin et de la polarité Yin, perpétrée par la mentalité moderne pendant des siècles…)

Le résultat est bien connu. Comme l’a bien résumé Françoise Gange (dans Avant les Dieux, la Mère universelle, Alphée, 2006), « Le monde contemporain meurt d’ »hypervirilité », au sens que le patriarcat a imposé de la virilité : mentalité conquérante, étayée par un appétit de pouvoirs et de richesses matérielles, qui implique hiérarchie et contrôle, nécessaires pour asseoir la domination ; prédominance du mode rationnel de pensée qui découpe, sépare, là encore en vue d’une hiérarchisation des idées ; mode d’évaluation quantitatif du monde, des autres et de soi-même. » À cette « hyper-virilité », ajoutait Françoise Gange, correspond logiquement une « hypo-féminité » — un déficit de la polarité Yin et féminine de la psyché humaine. Hypertrophie du Yang, atrophie du Yin : voilà ce qu’a été la mentalité moderne. La modernité se caractérise et se définit par ce déséquilibre psychique, ce qui explique au final l’état du monde tel qu’il est actuellement.

Devant ce constat, Annick de Souzenelle a répondu ceci : « Les temps sont venus d’un mariage entre nos deux cerveaux, d’un mariage entre le masculin et le féminin respectivement prépondérant, dans l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit… » C’est maintenant — et c’est la postmodernité.
http://alexandrerouge.wordpress.com/2012/03/24/yin-yang-cerveau-droit-et-cerveau-gauche-la-mentalite-moderne/
 

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