الخميس، 28 فبراير 2013

La quête de Houang-ti


Houang-ti, l'Empereur Jaune, régnait depuis vingt ans sur la Chine. Tout était désormais en ordre. Les champs étaient fertiles, les arts florissants, l'administration intègre et dévouée, les frontières pacifiées. Les Fils du Ciel s'était donné sans compter pour atteindre ses buts. Mais ses devins étaient formels: des signes néfastes annonçaient des années d'inondations et de sécheresses, de famines et de révoltes. L'Empereur savait que rien n'était permanent dans ce monde fluctuant. C'était sa nature même. Il fallait sans cesse veiller à maintenir l'équilibre, prévenir et réparer les coups du mauvais sort. Gouverner était un combat perpétuel. Mais maintenant, Houang-ti se sentait la proie d'une immense lassitude comme s'il ne parvenait plus à renouveler ses forces vitales. Il pensa qu'il devait enfin s'occuper lui-même, se mettre en quête du Tao, la Voie de l'Harmonie suprême. Il connaissait l'antique adage qui disait: Le royaume se façonne à l'image de son roi. Il était grand temps de réagir.

 

Une rumeur affirmait que le plus grand sage de l'empire, qu'on appelait le Maître caché, habitait une grotte perdue dans les montagnes de Hsioung Toung. Le souverain interrogea ses agents secrets, surnommés "les yeux et les oreilles de la Face du Dragon". Le rapport qu'ils firent fut d'une inconsistance désolante. Houang-ti envoya donc le service au grand complet arpenter les montagnes. C'est ainsi qu'après quelques mois d'investigation, l'Empereur Jaune fut conduit à l'entrée de la caverne secrète. Le sage était assis sur une natte de roseaux, devant deux bols et une théière. Il versa le thé et dit à son visiteur:

 

- Je vous attendais. Prenez place, et tenez.

Et il lui tendit le bol fumant.

L'empereur s'inclina devant le sage et lui demanda:

- Quel est le chemin du Tao ?

Le Maître caché prit le temps de finir son thé. Puis il tourna l'intérieur de son bol vers son hôte et lui dit:

- Vous voyez, ce bol est utile car il est vide. Le Tao est invisible, insaisissable. Nul ne peut l'entendre ni le voir. Pourtant, si vous faites le vide dans votre esprit, il jaillira dans votre coeur. Méditez loin des bruits de ce monde, faites taire vos pensées et le souffle primordial restaurera vos énergies.

 

De retour dans son palais, l'Empereur Jaune s'enferma dans un pavillon isolé, au coeur des jardins, pour mettre en pratique les conseils du sage. Il avait auparavant délégué tous ses pouvoirs à son Premier ministre et laissé comme instruction de n'être dérangé sous aucun prétexte.

 

Au bout de trois mois de méditation intensive, Houang-ti avait touché au but. Il avait atteint l'illumination, le grand éveil. Il s'était ressourcé en tétant à nouveau le sein de la Mère du Monde. Mais quand il sortit de sa retraite, il fut assailli par le bourdonnement de ses ministres affolés. L'empire était au bord du chaos. L'Empereur Jaune ne comprenait pas. Il avait suivi à la lettre les conseils du sage, bu à la source du Tao, restauré en lui l'harmonie... Mais son royaume n'en avait pas profité. Peut-être avait-il négligé quelque chose... Il décida de retourner consulter le Maître caché.

 

Dans la caverne secrète, Houang-ti exprima son désarroi. Le sage sourit et répondit:

 

- Aller plus loin que le but, c'est ne pas l'atteindre. Auparavant, vous étiez trop impliqué dans les affaires du royaume et vous avez négligé votre être profond. Cette fois, vous avez fait l'inverse. Le Tao du souverain lui demande de veiller sur lui-même autant que sur ses sujets. C'est la Voie du Milieu qui relie le Ciel et la Terre.

 

Ainsi parla le Maître caché qui, selon les dires de certains conteurs de la dynastie des Ming, n'était autre que le sublime Lao-tseu, dans une précédente incarnation...

 

L'Empereur Jaune trouva l'équilibre subtil que lui indiqua le sage et son harmonie intérieur irrigua l'empire. A près un long règne, il entreprit de visiter chaque province de son vaste domaine. Il contempla avec bonheur l'oeuvre qu'il avait édifiée. Tout y était en ordre, prospère, paisible. Les fondations étaient solides.

 

Satisfait, il retourna dans son palais, comme son successeur. Puis il réunit une dernière fois sa Cour pour les adieux. Et devant tous il leva la coupe où il conservait la Perle du Dragon, qu'il s'était longuement préparée dans le creuset de ses méditations. Dès qu'il avala la pilule d'immortalité, les portes s'ouvrirent avec fracas et un dragon aux écailles luisantes, aux naseaux fumants, s'engouffra dans la salle, se glissa sous le trône. Le reptile ailé prit alors son envol, emportant Houang-ti sur son dos. La légende rapporte que la souveraine et les concubines impériales eurent la présente d'esprit de s'accrocher aux moustaches et à la queue du dragon ! Elles gagnèrent ainsi le Palais de Jade, le séjour des Immortels, et ses joies infinies. Et là-haut, l'Empereur Jaune fut heureux d'offrir à ses femmes avisées les Pêches célestes qui donnent elles aussi l'éternelle jeunesse.

 

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