Par un
bel après-midi de soleil, un dignitaire s’était aventuré sur les sentiers
escarpés de la vallée profonde où Tchouang-Tseu avait élu domicile. Le
mandarin, brillant lettré qui avait passé tous les degrés des examens et obtenu
un poste de conseiller auprès du roi de Wou, voulait poser au vieux maître une
question sur le Tao,dans l’espoir de respirer l’effluve de l’indicible.
La
chaumière était déserte, la porte grande ouverte. Des traces de sandales,
toutes fraîches, menaient à une prairie pentue.
Le dignitaire
les suivit et il découvrit Tchouang-Tseu endormi à l’ombre d’un vieil arbre
noueux, la tête sur un coussin de fleurs des champs. Le lettré toussota et le
sage ouvrit les yeux.
-Ô
Maître, pardonnez moi de troubler votre repos. Je viens de fort loin vous
interroger sur le Tao.
-Je ne
sais pas si je pourrai répondre, répondit Tchouang-Tseu en se frottant les
yeux.
-Vénérable
votre modestie vous honore.
-Cela
n’a rien à voir, non. A vrai dire je ne sais plus rien, je ne sais même plus
qui je suis!
-Comment
est ce possible? demanda le mandarin interloqué.
-Oh
c’est très simple, reprit le vieux taoïste, l’air songeur. Figurez vous que
tout à l’heure, en dormant, j’ai fait un rêve étrange.J’étais un papillon
voltigeant, ivre de lumière et du parfum des fleurs. Et maintenant, je ne sais
plus si je suis Tchouang-Tseu ayant rêvé qu’il était un papillon ou un papillon
qui rêve qu’il est Tchouang-Tseu!
Et le
conseiller du roi de Wou, bouche bée, s’inclina profondément et retourna sur
ses pas, ruminant cette parole énigmatique dans l’espoir d’en tirer le suc.
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